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La gauche et le parti de l’étranger

Stanislas Berton était invité au Japon entre le 15 juillet 2023 et le 28 juillet 2023 pour participer à un colloque sur la contre-révolution, l’initiative de Vexilla Galliae. À son retour, il a été interrogé sur la chaîne Géopolitique profonde. À partir de la minute 23’06 : « un des marqueurs de la différence psychologique entre l’esprit de gauche et l’esprit de droite est que les gens de gauche ont tendance à valoriser ce qui est étranger ou éloigné de leur propre groupe alors que les gens de droite valorisent ou font confiance aux gens qui sont proches d’eux ».

Ce que je vais expliquer ici, c’est que ce qui est établi ici grâce à une étude de psychologie, peut en fait être anticipé par une analyse mathématico-linguistique.

Commençons par le point de vue mathématique, en commentant la figure ci-dessus : la gauche et la droite se répartissent de part et d’autre d’un axe gradué. Le point G d’abscisse -1 et à gauche de l’origine du repère ; le point D d’abscisse 1 est à droite de l’origine du repère. Muni de la multiplication des nombres entiers usuelle, l’ensemble {-1,1} a un structure de groupe commutatif (autrement appelé : abélien), dans laquelle (-1)² = 1.

On obtient un groupe additif isomorphe au précédent en associant à G la classe des entiers impairs et à D la classe des entiers pairs. Dans ce modèle, on 1+1 congru à 0 modulo 2 comme équivalent à l’égalité précédente, additivement, ce qui se lit simplement, qui s’interprète simplement ainsi : la somme de deux entiers impairs est un entier pair.

On peut observer que le mot pair se dit even, alors que le mot impair se dit odd. Le premier signifie « égal » ou « même », ce qui est assez cohérent puisqu’un nombre pair est par définition divisible par 2 donc en deux parties égales. Exemple : 10 = 2 fois 5 = 5 + 5. Le second signifie « étrange », « bizarre », « curieux ». Exemple : 11 = 5 + 6 n’est pas divisible par 2 : il est supérieur à 2 fois 5, mais inférieur à 2 fois 6.

En résumé, d’un point de vue mathématico-linguistique :

– à droite se rassemble les pairs, c’est les « mêmes », c’est-à-dire ceux dont les parties se ressemblent ;

– à gauche se rassemble les impaires, c’est-à-dire les « étranges », c’est-à-dire ceux dont les parties sont dissemblables.

Maintenant, en français, l’une des acceptions du mot « étrange », très vieillie il est vrai, est justement la signification moderne du mot « étranger ». Exemple : une nation étrange est une nation étrangère, dans le sens où ses ressortissants « s’écarte[nt] sensiblement de l’ordre habituel, de l’usage commun » et apparaissent aux autochtones comme « singulier[s], surprenant[s], insolite[s] ».

On pourra alors ici se souvenir de l’article de Stanislas Berton, Du léninime biologique, repris dans volume II de L’Homme et la Cité, page 114-117 :

– la « gauche » semble s’appuyer sur toutes les minorités qui sont hétérogènes ;

– la « droite » semble s’appuyer sur la majorité homogène.

Affaire « Civitas » (2/2) : Le petit Castelnau recadré

Exister, c’est combattre ce qui me nie.

Dominique Venner, Le coeur rebelle, cité dans : Institut Iliade, Pour un réveil européen. Nature. Excellence. Beauté, La nouvelle librairie, 2022, page 61.

L’ultime preuve de sincérité pour un mathématicien est son consentement à renoncer à un peu de ses mathématiques, sans parler de son argent, afin d’adhérer à son propre code de morale (en supposant qu’il en a un, et qu’il ne se réduit pas à placer les mathématiques au-dessus de tout le reste).

Roger Godement, Mathématiciens (purs) ou putains (respectueuses) ? – réponse à une invitation à un colloque financé par l’OTAN, 22 avril 1971.

Cher Me Régis de Castelnau,

J’aurais pu intituler cet article Le petit Castelnau recadre (sans accent aigu sur le dernier « e ») puisque dans le billet que vous avez publié sur votre blog, intitulé Darmanin contre les libertés publiques, vous recadrez effectivement avec brio M. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur. Si j’ai renoncé à ce titre, c’est parce qu’un spécialiste du Droit qui commet un texte de cette qualité ne devrait pas être qualifié de « petit ».

J’ai donc préféré prendre comme titre : Le petit Castelnau recadré. C’est un clin d’œil à l’ouvrage de Jean-Paul Riocreux (que je soupçonne d’être parent avec Ingrid Riocreux – tant les deux font montre d’une maîtrise de la langue française qui confine au miracle – auteur de La langue des médias. Fabrique du consentement et destruction de la langue et de Marchands de nouvelles. Essai sur les pulsions totalitaires des médias), intitulé Le petit Meirieu recadré, dans lequel il fait une analyse au vitriol des différents écrits du chouchou des chrétiens de gauche, Philippe Meirieu, ancien grand-maître de l’Ordre du Temple Scolaire qui, en réalité, tenait plutôt d’un « personnage de Tintin et Milou » selon l’appréciation de Gilbert Molinier, dans son texte Sur une prétendue opposition entre pédagogistes et antipédagogistes.

Cependant, je tiens à préciser que ce titre malicieux ne constitue pas une attaque contre votre personne (nous n’avons pas eu l’occasion de garder les vaches ensemble : comment pourrais-je vous juger en tant qu’homme ?), mais une démolition méthodique de vos préjugés sur le parti Civitas.

J’ai longuement hésité avant de mettre en ligne cette réponse à votre billet en mon nom propre, mais je me dis qu’au fond, c’est bon test à quoi mesurer l’effectivité du souci de mon employeur pour la « diversité » et le « vivre ensemble », et je le renvoie à l’Article 225-1 du Code Pénal, en vigueur au 15 août 2023, qui traite des discriminations en milieu professionnel et stipule que : « Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur entre les personnes physiques sur le fondement de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue de son auteur, de leur patronyme, de leur lieu de résidence, de leur état de santé, de leur perte d’autonomie, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur qualité de lanceur d’alerte » (c’est moi qui souligne).

Pour commencer, je voulais souligner l’exquise urbanité avec laquelle vous avez évoqué ce parti et/ou ses adhérents. En effet, j’ai pu relever dans votre texte les termes suivants :

– « groupuscule inepte rassemblant quelques allumés » ;

– « Civitas, un groupuscule de cathos illuminés » ;

– « gens passablement perturbés » [en parlant des adhérents de Civitas] ;

– « intégrisme chrétien » ;

– « groupuscules ridicules et inoffensifs ».

Manifestement, vous faites une fixette sur le concept de « groupuscule », puisqu’on compte trois occurrences du mot parmi les cinq expressions décrivant Civitas dans votre texte.

À partir d’un « groupuscule », comme vous dites, de 2 personnes, si chacune en rallie 2 à sa cause, au bout de combien d’itérations du procédé le « groupuscule » comporterait-t-il 300 000 Français ? (D’après François Asselineau, ce serait un effectif suffisant pour « changer l’Histoire de France »). Réponse : il faut 19 itérations du procédé, puisque 219 = 524 288, tandis que 218 = 262 144.

Maintenant, si on part d’un « groupuscule » (sic) de 2600 membres, et si chaque membre en rallie 2, au bout de combien d’itérations du procédé le « groupuscule » comporterait-il 300 000 Français ? Réponse : 8 itérations suffisent (soit un nombre plus de 2 fois plus petit d’itérations) puisque 2600×28 = 332 800, tandis que 2600×27 = 166 400. Dans ces conditions, je ne crois pas que le terme dédaigneux de « groupuscule » (sic) soit approprié pour parler de Civitas…

Mais, comme dirait Jacques Villeret alias François Pignon dans Le Dîner de Cons en présentant sa collection de maquettes réalisées avec des allumettes, dont le célèbre pont de Tancarville, « commençons par le début : qu’est-ce qu’un [groupuscule] ? ». L’application Robert Dixel mobile pour téléphone mobile nous apprend qu’un « groupuscule »  est un « Petit groupe politique, insignifiant », ce qui nous conduit à nous interroger sur la définition du mot « insignifiant ». Grâce à cette même application mobile, on trouve :

– qui n’est pas important ;

– qui ne présente aucun intérêt.

Si, réellement, comme vous le prétendez, le parti Civitas n’est « pas important » et « ne présente aucun intérêt », pourquoi le ministre de l’Intérieur demanderait-il sa dissolution ? Lorsqu’on parle d’« importance », on peut en parler de manière quantitative, ou de manière qualitative.

C’est pourquoi de mon côté je soutiens la thèse exactement inverse : le parti Civitas (https://crowdbunker.com/v/uktSVFefwP) est important et présente un intérêt, même si, malheureusement, le nombre de ses adhérents reste inférieur à celui des abonnés de la revue Front populaire, que vous connaissez bien, et dont je me suis désabonné il y a quelques mois. En effet, « on ne peut pas être vraiment chrétien et vraiment de gauche », comme me le faisait observer une amie il y a plus de 20 ans. « L’héraldique ne ment pas », comme le disait un jour François Asselineau, si ma mémoire est bonne, dans sa célèbre conférence sur l’Histoire de France. Avez-vous remarqué que le logo de France souveraine, qui singe grossièrement celui de la revue Front populaire, mobilise exactement les mêmes couleurs que celui… de la Société générale ? Étonnant, non ? Votre organisation prétend rassembler les souverainistes « de droite, de gauche, du centre et de nulle part », mais il n’y aucune trace de bleu dans votre logo. Il me semble que des organisations comme le Cercle Aristote, pilotée par Pierre-Yves Rougeyron, ou Le peuple de France, lancée par le Capitaine Alexandre Juving-Brunet ont beaucoup mieux saisi la bilatéralité de l’électorat. Il suffit d’observer leurs logos respectifs. Car le problème avec le « souverainiste de gauche », c’est que, bien souvent, il est d’abord de gauche, et, ensuite, éventuellement, souverainiste. Michel Onfray me semble être une bonne illustration de ce que ce que j’écris là. Mais j’espère que le camarade Onfray ne se formalisera pas de cette remarque, une fois que j’aurai précisé que le même reproche pourrait être fait au « souverainiste de droite »… Le fond du problème est que le clivage droite/gauche, en tant qu’il est pensé, selon un conte pour enfants, comme hérité de la disposition des députés à l’Assemblée nationale après les évènements de 1789, est une imposture intellectuelle. Le vrai clivage est celui-ci : l’opposition entre un principe constructeur et un principe destructeur. Le principe constructeur vous fait privilégier la nature, l’excellence, la beauté, la vérité, la justice, la liberté, et la vie ; le principe destructeur vous fait préférer l’artifice, la médiocrité, la laideur, le mensonge, l’injustice, l’esclavage et la mort. Pour la Tradition, le principe constructeur s’appelle « Dieu », et le principe destructeur s’appelle, au choix, « Le Diable », « Satan », « Baphomet », « Moloch », etc.. Pour avoir écouté un nombre significatif de vos interventions sur différentes affaires judiciaires, sur la guerre en Ukraine, etc., je ne suis pas sûr que vous soyez si éloigné de Dieu que cela vous arrange, et arrange nos ennemis, de le prétendre.

Le parti Civitas est donc important, et présente un intérêt, parce qu’il fait partie des rares organisations qui font un diagnostic correct de la situation de la France quand on envisage son histoire sur le temps long. Je vois renvoie à l’article de Stanislas Berton, De l’effet Lindy, et tout particulièrement aux trois derniers paragraphes.

Conclusion provisoire : Civitas n’est certainement pas un « groupuscule » !

Mais revenons à la tonalité générale des expressions que vous avez employées pour disqualifier Civitas, dans leur ensemble… Pourquoi Diable tant de haine ?

Doit-on voir dans le recours au lexique que vous avez mobilisé le retour d’un traumatisme refoulé que vous auriez vécu dans l’adolescence, consistant à avoir reçu une petite pichenette d’un prêtre parce que, alors que vous étiez servant de messe, vous auriez malencontreusement écorché un Notre Père (ou plutôt, un Pater Noster, car l’évènement aurait probablement eu lieu avant le concile Vatican II) ? Voudriez-vous qu’on en parle ? Si cela pouvait être de nature à résoudre des conflits internes qui vous empêchent de vous épanouir, j’accueillerais avec bienveillance l’exposé détaillé par écrit de vos souffrances, et… je ne vous jugerais pas. Je laisserais à Dieu ce privilège.

Si j’ironise ainsi, c’est pour vous rappeler que selon un adage populaire « la nature a horreur du vide ». Avez-vous noté qu’au fur et à mesure que l’Église catholique traditionnelle a été contrainte de céder du terrain, le vide laissé a été occupé par ce que j’appellerais l’Église cognitivo-comportementaliste ? D’un côté, nous avons des prêtres auprès desquels vous pouvez gratuitement vous confesser, ou recevoir (moyennent la condition nécessaire d’avoir fait votre première communion, il est vrai…) le corps et le sang du Christ, matérialisés par l’ostie et le vin blanc, qui n’altèrent pas votre personnalité et n’ont pas d’effets secondaires ; de l’autre, vous avez ceux que Jacques-Alain Miller et son frère, Gérard Miller, appelleraient les « dresseurs d’hommes », qui vous font payer une consultation au tarif minimum de 50 euros, sur le budget de la sécurité sociale, donc avec mon argent et le vôtre, pour vous prescrire de l’Effexor ou du Xanax qui altèrent votre personnalité et ont des effets secondaires. Croyez-vous que la société française ait réellement gagné à ce changement ? Les enquêtes régulièrement effectuées sur le moral des Français, m’inclinent à penser que non… Le problème, c’est qu’aujourd’hui, nous produisons à la chaîne beaucoup plus de « co-co » (psychiatres cognitivistes-comportementalistes) que de prêtres en mesure de pouvoir dire la messe selon le rite traditionnel. N’est-ce pas un problème ?

Nous y reviendrons, mais le cœur de l’intervention que je fais ici consiste en une démonstration de l’inanité d’une partie des termes que vos avez employés et que j’ai relevés ci-dessus, en tant qu’il s’appliqueraient au parti, sans sa totalité. Pour cela, mes arguments relèveront uniquement de la logique élémentaire ; chose qui, en principe, est au cœur d’un raisonnement, tant juridique que… mathématique.

Car, autant vous avez choisi le Droit, autant j’ai choisi les Mathématiques ! Pourquoi ? La raison, pour faire une métaphore qui parlera aux spécialistes de cryptologie, consiste en ce que, parfois, le Droit est aux Mathématiques… ce que le message chiffré est au message clair. Et c’est un peu l’impression que j’ai eu en lisant les termes utilisés ci-dessus. Je me propose d’établir la non-pertinence d’une partie de ces propos, du point de vue de l’expertise que j’ai de mon propre champ de savoir.

Je suis parfaitement légitime pour cela, puisque je suis double lauréat de l’agrégation externe de mathématiques (1995 et 2009), docteur en mathématiques pures de l’Université Bordeaux I (2000). J’ai été présenté au concours régional de grec quand j’étais lycéen, et j’avais été accepté en Lettres supérieures S au Lycée Michel de Montaigne, l’année de ma réussite au baccalauréat, en 1990. Mais j’ai choisi d’être un « roturier » en allant faire des mathématiques à l’Université, plutôt que d’appartenir à la noblesse… de robe, en intégrant la classe préparatoire dans laquelle j’avais été admis. Je suis par ailleurs, depuis 2014, expert en orthographe, puisque je décroche régulièrement un score supérieur à 900 au Certificat Voltaire. J’ai d’autres compétences annexes, mais que je trouve inutile de mentionner pour l’affaire qui nous occupe ici.

Je ne rappellerai pas chaque fois les termes que vous avez employés au sujet de Civitas et ses adhérents, mais je voudrais vous dire que sur un blog qui s’intitule « Vu du Droit », on s’attend à ce que vous rédigiez des analyses juridiques, « vu[es] du Droit », justement. Or, le réflexe du mathématicien c’est de toujours revenir aux définitions. En l’espèce, pourriez-vous expliquer aux lecteurs de votre blog :

– ce qu’est, en Droit, un parti ?

– les circonstances juridiques qui font qu’un parti pourrait être qualifié de la manière que vous l’avez fait ?

Le spécialiste du Droit, c’est vous, et non moi. J’attends donc votre réponse, sur votre blog, dans les délais qui vous conviendront.

En attendant, je me contente de quelques commentaires, à mon humble niveau.

Tartuffe déclare, dans la scène 3 de l’acte III de la pièce Tartuffe ou l’imposteur de Molière, « Ah ! Pour être dévot, je n’en suis pas moins homme. ». Écho de ceci de ma part : « Ah ! Pour être avovat, vous n’en êtes pas moins homme. ». C’est-à-dire que j’ai l’impression que dans votre contribution au débat sur l’affaire Civitas, vous mélangez joyeusement des commentaires juridiques objectifs, avec vos parti-pris.

En attendant que vous définissiez ce qu’est un « parti » pour le Droit, je me contenterai ici d’une définition mathématique, ensembliste plus précisément : un parti est un ensemble de personnes qui mettent en commun leurs moyens pour promouvoir une vision de la société qu’elles partagent. Si vous qualifiez un parti, vous qualifiez donc un ensemble, et ce qualificatif s’applique par définition à tout élément de l’ensemble. Exemple : un cercle peut être qualifié de rouge si et seulement tout point de ce cercle est de couleur rouge. Si ce cercle contient un seul point de couleur verte, le cercle ne peut plus être qualifié de rouge. Simple… En effet, en Mathématiques, comme en Droit, on peut énoncer que l’existence d’un contre-exemple prouve l’absence d’universalité de la règle.

Compte tenu de ce que je viens d’écrire, je vous invite à vous demander si, réellement, Civitas est qualifiable de la manière dont vous l’avez fait.

Pour cela, je ne vais vous poser qu’une seule question, mais pour vous permettre d’y répondre (on ne saurait en attendre moins de la part d’un éminent juriste…), je dois vous donner quelques éléments biographiques me concernant.

Mon grand-père maternel était le Colonel de gendarmerie Guy Roger Marie Doat. On m’a rapporté qu’il avait longtemps conservé dans ses effets personnels des cartes de visite ensanglantées… du Maréchal Leclerc. Je soupçonne qu’il a pu être impliqué dans l’enquête concernant le tragique accident d’avion dans lequel le chef de la deuxième division blindée a trouvé la mort. Je laisse les historiens interroger les archives de presse et de la Gendarmerie nationale à ce sujet, pour qu’il soit établi ce qu’il en est. Toujours est-il que mon grand-père, qui fut récipiendaire de la Légion d’Honneur, était un gaulliste convaincu : il avait servi au Maroc avant d’être affecté dans le Sud-Ouest de la France et avait, par la suite, accumulé dans sa bibliothèque de nombreux ouvrages consacrés à l’homme du 18 juin 1840. Je me souviens notamment des livres de Jean Lacouture, et d’un volume intitulé : Pour combattre avec De Gaulle ; le Pourquoi combattre édité par le Cercle Aristote semble le faire resurgir d’outre-tombe…

Mon grand-père paternel, Jean Degos, était chef cuisinier. Malgré la tendance à l’embonpoint qui peut éventuellement être la conséquence de l’exercice de ce métier, il était revenu d’un camp de concentration en pesant seulement… 35 kilos. Je ne connais à peu près rien de mon ce grand-père-là, qui est décédé quelques jours avant ma naissance ; cela explique que j’ignore jusqu’à ses deux autres prénoms. Rappelons en effet qu’à cette époque (première moitié du XXe siècle), la tradition voulait que l’on donnât à son enfant un prénom original, suivi du prénom de son parrain, et du prénom de sa marraine : cela prouve prouve que l’antichristianisme en général et la cathophobie en particulier n’étaient pas encore des sports nationaux subventionnés par l’État à cette époque. Mais je sais que ma famille, tant du côté maternel que du côté paternel, a été, comme la vôtre, du bon côté de l’histoire : celui de la résistance.

Maintenant, je vais sûrement vous déconcerter : même en naissant dans un environnement familial aussi propice, je n’ai jamais réussi à voir germer en moi un goût démesuré pour les collections de casques à pointe, d’uniformes de Waffen-SS, ni d’ailleurs pour le chant festif « Maréchal, nous voilà ! ».

Mais poursuivons…

Mon père, Jean-Guy Degos, nous a quittés le 7 juin 2017, après une embolie pulmonaire. Il était professeur de comptabilité, gestion et finance, spécialiste d’Histoire de la comptabilité, ainsi qu’expert-comptable et commissaire aux comptes. Il a beaucoup milité pour que la Faculté de Droit et sciences économiques, anciennement incluse dans une Université Bordeaux I qui comprenait aussi les sciences et les technologies devînt autonome en une Université Montesquieu Bordeaux IV. J’ai donc une petite idée de ce en quoi consiste la séparation des pouvoirs, et le gouvernement idéal tel qu’il avait été pensé par Charles de Secondat, dit Montesquieu :

– séparation des pouvoirs légistatif, exécutif et judiciaire ;
– juste équilibre entre l’hérédité monarchique, les privilèges aristocratiques, et le droit populaire.

Bizarrement, cette deuxième condition, formulée dans De l’esprit des loix en 1748 a été oubliée par le roman historique national. Et pour cause : les excités de 1789, ainsi que leurs continuateurs contemporains, parmi lesquels l’aussi peu substantiel que turbulent Antoine Léaument, ont largement contribué à l’amnésie générale. Je signale enfin qu’Antoine de Saint-Exupéry (un résistant…) faisait partie des auteurs préférés de mon père.

Quant à moi, grâce à mon père, je possède dans ma bibliothèque les Œuvres complètes de philosophie de sciences et les Méthode axiomatique et formalisme. Essai sur le problème du fondement des mathématiques deJean Cavaillès (un autre résistant, « fusillé le 4 avril 1944 à Arras » …). Grâce à la dédicace qui m’a été faite de son Mausolée des intellectuels par l’excellent Mehdi Belhaj Kacem (un résistant contemporain…), j’ai pu découvrir le personnage d’Albert Lautman (un autre résistant…), dont j’ai acquis cette année Les mathématiques, les idées et de le réel physique ; ainsi que Les grands courants de la pensée mathématique, volume dans lequel Lautman a rédigé un article potentiellement intéressant intitulé Symétrie et dissymétrie en mathématiques et en physique.

Bien entendu, je n’ai encore lu aucun de ces quatre ouvrages dont vous imaginez bien qu’il ne se lisent pas comme un roman de fesses « écrit » par le sémillant M. Bruno Le Maire, ou l’inénarrable Mme « Marie Marlène Minelli-Schiappa », ainsi renommée par Vincent Pavan dans son récent Tout foutre en l’air (Exuvie, 2023, p. 22).

Tenez !… Il me vient une idée, comme ça… Dans la mesure où Mme Sandrine Rousseau est hostile aux barbecues, elle a sûrement du temps de cerveau disponible, puisqu’elle ne l’utilise pas à attendre que les braises soient prêtes pour la cuisson. Pourrait-elle dans ces cas lire ces livres à ma place, et me faire des fiches ? Oups… Elle n’a probablement pas la culture mathématique de base qui lui permettrait de comprendre… Dommage.

Car si je n’ai pas encore lu ces livres, c’est tout simplement parce que de misérables petits vermisseaux, comme on en rencontre beaucoup dans le syndicat de placement de personnes âgées (et autres pintades vendant du poisson, ou additionnant des taux d’imposition dont l’assiette n’est pas la même…) appelé Les Républicains, croient à une foutaise conceptuelle qu’ils appellent la « valeur travail ». Les seuls moments où j’ai eu le loisir de pouvoir travailler, au sens d’un extrait de Citadelle de Saint-Exupéry (sens qui ne me semble pas vraiment coïncider avec celui qui résulte de l’« éthique protestante » de la Société londonienne d’économie…), c’est dans les circonstances suivantes :

– j’étais collégien ;

– j’étais lycéen ;

– j’étais étudiant ;

– j’étais au chômage ;

– j’étais au RSA.

Le reste du temps, je dirais que je me suis acquitté, et je m’acquitte encore, à ce jour, plus ou moins laborieusement, et contre faible rémunération, d’un service social qui consiste à alimenter un Léviathan administratif dont les règles de fonctionnement confinent parfois à l’absurde : je vous renvoie aux burlesques protocoles « sanitaires » [sic] dans la fonction publique entre juillet 2020 et mars 2022. Mais j’ai trop de respect pour le travail pour appeler ça travailler ; j’appellerais plutôt ça : « travailler »… Le travail, c’est qu’on apprécie de continuer à faire quand on n’en a plus les moyens financiers. En ce qui me concerne, travailler, c’est faire des mathématiques, pratiquer des instruments de musique, lire et écrire, et faire de la relecture/correction de documents écrits. Entre autres… A contrario, le « travail », c’est ce qu’on consent à faire, bon gré mal gré, en échange d’un salaire, parce que les employeurs comprennent très bien que sans salaire, nous accepterions beaucoup moins d’être réifiés dans des tâches procédurales dépourvues de sens. Cela dit, pour aller plus loin, je vous invite à aller lire l’article d’Alix Marmin, Le temps de l’opus : pour en finir avec l’idéologie du travail, pages 85 et suivantes de l’ouvrage collectif Pour un réveil européen. Nature. Excellente. Beauté (La nouvelle librairie, Institut Iliade, 2020)

Nous arrivons maintenant, enfin, à la « simple question » que je voulais vous poser : imaginez que j’aie adhéré il y a quelques mois au parti Civitas, et que je me retrouve en train de participer à une réunion dans un local de Moselle ; imaginons également qu’au moment du repas, concluant une demi-journée qui aurait commencé à 14h00, soit entonné le « chant festif » que j’ai évoqué ci-dessus. La question est : dans ces conditions, quelle pourrait être ma réaction ?

Je réponds moi-même à la question que je vous pose. Ma réaction immédiate serait de me dire : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ! » (Luc 23, 34), et d’éprouver comme un sentiment de malaise.

Nous sommes maintenant en mesure d’établir le théorème suivant.

Théorème : Le parti Civitas ne peut pas se voir qualifié dans sa totalité, avec les termes que vous avez employés.

Démonstration :

a) Je suis adhérent de Civitas depuis décembre 2021.

b) J’ai effectivement participé à une réunion telle que celle que j’évoque ci-dessus.

Il en résulte qu’on peut établir qu’il y a, à Civitas des adhérents qui ne relèvent pas du lexique que vous avez employé : je ne me considère, et ma famille, mes amis, et la plupart de mes collègues ne me considèrent pas comme « allumé », « illuminé », « passablement perturbé », « ridicule », etc.. Mais c’est pour que les lecteurs se fassent leur propre opinion que j’ai rédigé cette réponse.

Un seul contre-exemple valant pour l’absence d’universalité de la règle, les énoncés :

– « Civitas, un groupuscule de cathos illuminés » ;

– « gens passablement perturbés » [en parlant des adhérents de Civitas] ;

– partiquant un « intégrisme chrétien » ;

– « groupuscule ridicule […] »

sont faux.

Fin de la démonstration.

Ce qu’il fallait démontrer, par contraposition.

Remarque : je veux témoigner que lors de cette réunion en Moselle à laquelle j’ai effectivement participé, il y avait moins d’expression de violence et de bêtise à l’intérieur du local où elle se tenait, qu’à l’extérieur, où un service d’ordre d’extrême gauche composé d’idiots utiles de George Soros, dont certains portaient des polaires à capuches de couleur sombre, et des couches faciales, sombres également, censées les protéger d’un gros méchant virus, sous une température extérieure supérieure à trente degrés. J’ai eu le sentiment ce jour-là que ce n’étaient pas les adhérents de Civitas qui cherchaient à troubler l’ordre public (compte tenu de la discrétion avec laquelle l’évènement avait dû être organisé), mais les idiots utiles de Soros qui réussissaient à troubler l’ordre privé. De façon plus générale, j’ai commencé ma carrière de contestataire dans les mouvements opposés aux réformes du système éducatif portées par MM. Allègre, Lang et Jospin ; je n’ai découvert la sphère de l’« estrème drouate » qu’à partir de 2020, à la suite de quelques heureux hasards. Et ce dont je veux témoigner, c’est que globalement, on a une charpente intellectuelle bien plus solide à l’« estrème drouate », que du côté gauche. Serait-ce, par hasard, que l’adjectif « droite » se dit en latin dextra, qui a donné en français « dextérité » en français, alors que l’adjectif « gauche » se dit en latin sinistra, qui a donné en français « sinistre ». Or, lorsque vous contactez votre assureur consécutivement à un accident de voiture, que vous demande-t-il de déclarer ? Votre dextérité, ou votre sinistre ?

J’ai commencé cette intervention en plaisantant sur un éventuel traumatisme que vous auriez pu subir pendant l’adolescence. Je vais donc raconter quel a été mon traumatisme à moi. À partir de 1993, année où j’ai perdu mon grand-père maternel, j’ai commencé à réaliser lorsque j’étais dans une église, au milieu de gens qui s’asseyaient, se levaient, s’asseyaient, se levaient, comme des robots… sur le simple commandement verbal ou gestuel d’un prêtre, je me sentais comme semblable aux fanatiques participant aux cérémonies des étrangleurs Tugs rendant un culte à Shiva dans Indiana Jones et le Temple maudit. Avec le recul, je dois reconnaître que c’était sûrement les effets souhaités, sur un jeune adolescent en souffrance identitaire qui se cherchait, de la « guerre hors limite » évoquée par Stanislas Berton.

Mais cela m’a conduit, pour un temps, à vouloir m’éloigner des églises, ce que j’ai fait. Je préfère effectivement les églises et les plages lorsqu’elles sont vierges de toute agitation humaine. De plus, je dirais qu’il en va des mathématiques comme de la religion : soit on joue, soit on s’engage.

En mathématiques, quand on joue, on est généralement élève jusqu’au lycée, puis on fait semblant de s’intéresser aux mathématiques pour obtenir une position sociale dans laquelle on s’empressera de ne plus avoir à en faire : les allées du pouvoir et les conseils d’administration d’entreprises sont remplies d’anciens joueurs, plus ou moins médiocres d’ailleurs. Quand on veut s’engager, on devient mathématicien. Et il n’est alors plus possible de faire « un peu » de mathématiques. Car la spéculation intellectuelle prend tout votre être, au point que parfois le corps devienne « un élément secondaire, voire tertiaire », comme c’était le cas pour le pianiste Glenn Gould, qui prenaient pour seule nourriture deux œufs battus à 5h du matin, parce qu’il était engagé, comme musicien ; il avait « une histoire d’amour avec la musique » dit Bruno Monsaigeon. Qui n’a jamais fait l’expérience du « processus créateur » (Glenn Gould) et été habité par la « puissance créatrice » (Ludwig Wittgenstein, Remarques mêlées) ne peut rien comprendre à ce que je dis ici, parce qu’il n’a pas vécu « cet état d’exaltation lucide, où les pensées s’enchaînent comme par miracle » dont a pu parler André Weil, frère de Simone Weil. La vraie. Avec un W. La philosophe. Auteur de La condition ouvrière, après son expérience du travail en usine, en tant qu’agrégée. On se demande bien, aujourd’hui, quels bourgeois compradors du MEDEF iraient tâter de la vie en usine pour voir si leurs idéologies tiennent la route dans le réel…

Pour le catholicisme, quand on joue, on est généralement un fidèle qui va à la messe tous les dimanches. C’est peut-être parce qu’on n’arrive pas toujours à mettre en pratique les enseignements du Christ, parce qu’on ne les comprend peut-être pas aussi en profondeur que le prêtre, qui a consacré sa vie à Dieu, comme le mathématicien consacre sa vie aux mathématiques. Je suis convaincu que « cet état d’exaltation lucide » du mathématicien peut aussi exister pour le prêtre, le moine, ou la sœur ; la prière jouant le rôle d’une démonstration particulièrement esthétique ou d’une intuition fulgurante en mathématique. Dans ce cas, je pense que le terme idoine serait plutôt : extase.

Étant donné qu’en pratique, quand je fais de mathématiques, où quand j’écris un texte comme celui-ci, je suis plus proche du prêtre que des fidèles, je me sens aussi plus proche du prêtre que des fidèles, s’agissant du catholicisme. Ce n’est pas que je me considère comme ayant atteint un niveau de perfection spirituelle qui puisse me dispenser d’aller écouter des prêtres tous les dimanches. Au contraire, j’écoute et je lis toujours avec intérêt les interventions du Révérend-Père Joseph, de l’Abbé Beauvais, de l’Abbé Billecocq, pour ne citer que des noms me viennent immédiatement à l’esprit. C’est que s’il est exact, comme le disait Luther, que « le Diable n’aime pas les belles mélodies », je pense de même que le Diable n’aime pas non plus les belles mathématiques et les textes bien rédigés, au service de mon prochain. Alors plutôt que de m’ennuyer (un peu…) sur les bancs des églises, je préfère agir pour le Beau, le Bien, le Vrai, le Juste, à ma manière, c’est-à-dire en écrivant des textes pour défendre des causes qui me paraissent justes. En effet, comme le réplique Marcus Brody au professeur Henry Jones dans Indiana Jones et la Dernière Croisade, lorsqu’ils sont « dans le ventre du monstre de fer » (dixit Salah) : « La plume est plus puissante que l’épée ! ». J’irai même jusqu’à dire que la plume est plus puissante… que les pets… verbaux… d’une Sandrine Rousseau, ou d’autres greluches ou pommadins qui paradent dans des médias dont le rapport à la langue française est totalement… sinistré. Allez lire Ingrid Riocreux sur ce point.

Voilà pourquoi on ne me croisera que rarement à des chapelets de « La France prie » ou à des messes du dimanche : dans une semaine ordinaire, les cinq jours ouvrables constituant, ma foi, un pensum, il m’en faut bien deux pour me ressourcer… ; et me dire que je devrais sacrifier à Dieu une demi-journée ou plus, de manière visible (aux fidèles) est un effort dont je ne suis pas encore capable. Mais Dieu sait bien que tout en restant chez moi, c’est pour lui que j’œuvre, puisque c’est pour eux. Je ne serai peut-être jamais un catholique pratiquant à montrer en exemple. Mais, il y a des hiérarchies dans le Beau, et entre le chant grégorien et le rap, la question pour moi ne se pose même pas ! Si je devais, occasionnellement (il ne faut pas abuser des bonnes choses…) aller à la messe, ce serait bien évidemment selon un rite traditionnel !

Si je n’avais jamais adhéré à Civitas, je n’aurais pas pu découvrir l’existence des Aphorismes de politique sociale de René de la Tour du Pin, ainsi que d’autres références de qualité auxquelles vous n’avez aucune chance d’être confronté au sein de l’École de la République. Je recommande d’ailleurs à votre camarade Michel Onfray, la lecture de l’aphorisme XLII de la deuxième série intitulé : « L’éducation intégrale ». Il comprendra peut-être que son slogan préféré « lire, écrire, compter, penser » est bancal, parce qu’il manque… le calcul. Or on peut très bien savoir compter, sans savoir calculer : c’est le cas d’une bonne proportion de bacheliers d’aujourd’hui, et même du ministre de l’Économie, si on en croit la critique qui en faite par Olivier Delamarche : « il ne sait pas calculer un pourcentage ». Toutefois, je ne rejette pas l’intégralité de la production de Michel Onfray : sa Théorie de la dictature, et son Vies parallèles. De Gaulle. Mitterrand me semblent incontournables, au moins sur le fond. Par ailleurs, je lui reconnais quelques vertus :

– comme mon père, il est issu de la France d’en bas ;

– comme mon père, entre la Justice et sa mère, il aurait choisi sa mère, puisque…

– comme mon père, je crois savoir qu’il préfère Albert Camus à Jean-Paul Sartre.

Mais, contrairement à mon père, c’est une sorte d’unijambiste intellectuel : je ne me souviens pas d’avoir entendu de sa part, lorsque j’étais abonné à sa chaîne michelonfray.com de considérations pertinentes et/ou intéressantes sur des thématiques relevant des mathématiques, de la physique, et d’autres sciences dites « dures ». D’où le côté bancal de son slogan, peut-être.

Mais mon but n’est pas de faire ici le procès du camarade Onfray ! Ce que je veux montrer, c’est que lorsqu’on fréquente de trop près des individus à la formation intellectuelle monodisciplinaire (comparée, par exemple, à celles d’un Pierre Cassou-Noguès, d’un René Guitart, ou d’un Quentin Meillassoux…) qui, par ailleurs, sont coutumiers de reniement public, après avoir pris des positions en privé en faveur d’un parti, il assez normal que l’on soit indisposé par l’érudition, la précision, et la rigueur morale d’un Pierre Hillard. Je fais allusion, bien sûr, au retournement de veste éclair dont Michel Onfray avait été l’auteur lors d’une intervention à la libraire bordelaise Mollat, le 19 septembre 2019, c’est-à-dire avant le lancement de la revue Front populaire, crée en 2020 (source : Wikipédia) :

1) https://www.upr.fr/actualite/michel-onfray-fait-son-coming-out-et-soutient-ouvertement-lupr/ ;

2) https://www.upr.fr/actualite/mise-au-point-du-bureau-national-de-lupr-sur-les-declarations-successives-et-contradictoires-de-michel-onfray/.

C’est qu’il fallait bien que ses livres continuassent à se vendre ; et pour cela, il était indispensable qu’il pût continuer à être invité sur des plateaux de chaînes de télévision de grand chemin. D’où son acte de contrition, après avoir commis le crime de lèse-paysage audiovisuel français consistant à avoir affiché un soutien trop appuyé au seul parti (parmi ceux qui sont républicains) alors capable de produire des analyses dont la plupart n’ont pas été mise en défaut par l’actualité.

Bref… J’apporte bien évidemment mon soutien à Civitas, et j’espère accessoirement vous avoir convaincu, cher Me Régis de Castelnau, que même à Civitas, vous pourriez rencontrer des gens fréquentables (parce qu’« insoupçonnables », comme on dit), qui n’ont pas un verre d’eau tiède entre les deux oreilles. Mon soutien à Civitas (ainsi qu’à quelques autres organisations) ne relève pas de la trahison ; je dirais plutôt que je suis passé du Pôle républicain de Jean-Pierre Chevènement en 2002 et de l’Union populiaire républicaine de François Asselineau à des mouvements moins arc-boutés sur la préservation du régime républicain, pour le même genre de raisons que le Cardinal Jean-Marie Lustiger était passé du judaïsme au catholicisme : « je suis allé jusqu’au bout de ma foi », avait-il à peu près déclaré en une certaine occasion.

Le procès en proximité avec l’« estrème drouate », comme dit Mehdi Belhaj Kacem, est, a toujours été, et sera toujours un trait caractéristique des sinistrés de la pensée ; vos différentes interventions dans les débats publics me donnent à penser que vous pourriez ne pas en être…

En tout cas, je tenais à vous dire, en conclusion, que je me serais bien entendu avec votre arrière-grand-père, le Général Édouard de Castelnau, car cet homme avait visiblement du goût et de la répartie, comme en témoigne sa réponse donnée, en 1942, à un prêtre venu lui apporter un message du Cardinal Pierre Gerlier lui demandant de modérer ses critiques vis-à-vis du Maréchal Pétain : « Votre cardinal a donc une langue ? Je croyais qu’il l’avait usée à lécher le cul de Pétain » (Source : Wikipédia).

En insinuant que tout membre de « Civitas » est « allumé », « perturbé », « illuminé », « ridicule », « intégriste », etc., vous m’insultez, et vous insultez ma famille ! Comme je ne vous ai pas insulté par la présente, et que je n’ai pas non plus insulté votre famille, je serais en droit de vous demander des excuses, au moins en privé. Mais j’ai décidé de vous dispenser de cette formalité : vous avez mieux à faire pour nous aider à triompher de « la conjuration des imbéciles » (J. K. Toole, 10/18) qui occupent les sphères du pouvoir de ce pays : en associant nos talents respectifs malgré notre différend au sujet du catholicisme, nous serons plus utiles au parti des Lilliputiens qui cherchent à abattre Gulliver, ou des David qui cherchent à terrasser le Goliath mondialiste.

Vive la liberté d’expression… sans limite.

Vive la France libre !

PS1 : J’ai de bons amis musulmans, de bons amis juifs, de bons amis athées, et mêmes de bons amis se réclamant d’autres spiritualités. Contrairement à M. Zemmour, je pense qu’ils ont toute leur place en France. Mais quand on fait de l’Histoire, il ne pas confondre l’échelle microscopique (ses amis) et l’échelle macroscopique (les peuples, les États) ; il ne faut pas confondre non plus les accidents historiques et les tendances longues. S’il est exact, comme le dit François Asselineau que « la monnaie de la France ne peut être que le Franc », alors peut-être que, pour les mêmes raisons, la religion de la France ne peut être que le catholicisme… Un bon moyen de résoudre le problème, serait de distinguer la citoyenneté et la nationalité, comme le fait la Russie. Par exemple, Xavier Moreau, qui n’est pas orthodoxe, a la nationalité française et la citoyenneté russe. Ce serait également mon cas (j’avais commencé à apprendre le russe, au cas où la France deviendrait irrespirable un jour ; et je dois dire que j’ai de plus en plus de mal à trouver de l’air…) si je n’appréciais pas davantage la France, que je n’éprouve de répulsion pour ce que la classe politique aux affaires depuis la mort du Général De Gaulle est parvenu à faire en si peu de temps de notre beau pays. Mais si tous les Français brillants (ce n’est pas que j’aime donner dans l’auto-satisfaction, mais on m’accordera peut-être que mon bagage universitaire est un peu plus substantiel que celui de Marie Marlène Minelii-Schiappa…) s’expatriaient, qui reconstruirait ce pays ? Même si l’herbe peut sembler plus verte ailleurs, j’appelle au contraire la jeunesse à occuper le terrain (et les vieux dinosaures à revenir, comme l’a fait M. Charles Gave). Le terrain, c’est-à-dire, « la terre » comme on l’entend dans la bouche de Scarlett O’Hara dans Autant en emporte le vent. Je les invite aussi à exercer leur esprit critique face à des établissements d’enseignement supérieur qui se glorifient de pouvoir leur offrir « une carrière à l’international »…

PS2 : Au sujet de Civitas, attention à ne pas confondre l’intégrisme (qui est un défaut, une déviance, une obsession, parce que mot en -isme) avec l’intégrité (qui est une qualité, parce mot en -té). Évidemment la même remarque doit être faite en opposant la catholicité au catholicisme (terme que je n’ai d’ailleurs employé que par défaut jusqu’à présent) et la laïcité au laïcisme. Actuellement, nous n’assistons à une opposition entre une laïcité républicaine vertueuse et un catholicisme traditionnel qui serait nuisible ; nous avons une opposition entre un laïcisme (c’est-à-dire une sorte d’intégrisme laïc, qui semble avoir toujours plus ou moins été l’autre nom de la cathophobie et, plus récemment, de l’islamophobie, car les catholiques et les musulmans authentiques condamnent l’usure…) et une catholicité (traditionnelle) dont, oui, je souhaite qu’elle puisse « réémerger », mot employé par le pianiste Jérôme Ducros qui constate qu’après une stagnation de la qualité des œuvres produites par la musique atonale qui avait connu son apogée avec les Schönberg, Berg, ou Webern, la musique tonale « réémergera ». Parce qu’elle est éternelle. Votre arrière-grand-père ayant déclaré : « Plutôt que de se soumettre à l’esclavage allemand, la race française tout entière périra sur le champ de bataille » (source : Wikipédia), ne dirait-il pas plutôt aujourd’hui : « Plutôt que d’assumer son héritage catholique, la société française préférera périr sous les assauts mondialistes » ? La forme de mépris avec laquelle vous avez traité Civitas conduit à penser que pourriez vous complaire dans cet état de choses. Pas moi. C’est pourquoi, à la manière de Jérôme Ducros qui interroge : L’atonalisme, et après ?, j’invite les Français les moins lobotomisés par les « Droits [sic] de l’Homme » et la « laïcité » à se poser la question « La République, et après ? ». Ils trouveront quelques éléments de réflexion en regardant les écrits et les interventions d’Arnaud Upinsky.

PS3 : Dans votre billet, vous vous réclamez, en bon avocat, de la « Déclaration des droits de l’homme ». Le gros problème avec les avocats, et de manière générale avec tous les professionnels qui gravitent autour du « Droit », c’est qu’ils considèrent que le Droit dit le réel. Ce que disait le Droit, il y a quelques mois, c’était qu’il fallait présenter un « pass » [sic] « sanitaire » [sic] puis « vaccinal » [sic] pour avoir le droit d’aller au restaurant ou de prendre un café en respectant des « gestes barrières ». Ce qu’on a pu observer dans le réel, c’est un Premier ministre auteur de ces restrictions destinées à la Plèbe en train de participer à un cocktail sans aucun respect des distances physiques imposées, et sans filtre à café sur le museau. Ceux qui ont besoin qu’on leur « déclare » leurs droits naturels (respirer, se nourrir, se loger, se déplacer, penser, écrire…), doivent aussi s’attendre à ce que l’on « déclare » que ces droits n’existent plus. La conformité au Droit, ça n’a parfois rien à voir avec la justice (notamment quand le Droit est taillé pour blanchir ceux qui ont des mœurs dégénérées – je vous renvoie aux analyses d’Ariane Bilheran et Marion Sigaut sur les « droits sexuels »…). La directive BRRD, la loi Lagleize et la récente loi de programmation militaire en apportent une preuve définitive. Rappelons, pour conclure, et à toutes fins utiles, qu’il existe 12 preuves qu’il n’y a plus rien de légal dans la République exhibées par Me Fortabat-Labatut. Si c’est vrai, cela s’applique en particulier aux textes qui prononceront la dissolution du parti Civitas. De deux choses l’une :

– soit le texte de Me Fortabat-Labatut est un tissu d’âneries (ce qui demanderait à être établi définitivement) ;

– soit le texte de Me Fortabat-Labatut a pour conséquence la nécessité de refonder totalement la législation française.

Malheureusement, peu de professions liées à la « Justice » semblent être préoccupés par l’urgence qu’il y a à trancher entre les deux termes de cette alternative. Et vous, Me de Castelnau, qu’en pensez-vous ?

PS4 : Au moment ou j’avais, pour l’essentiel, terminé de rédiger ce texte – dont je savais que j’allais symboliquement le publier sur mon site le 15 août, histoire de célébrer à ma manière l’Assomption, et de commémorer le débarquement des troupes françaises de l’armée B commandée par le Général de Lattre de Tassigny sur les côtes de Provence le 15 août 1944 – je m’en allai au supermarché du coin pour faire quelques courses. Une fois que tous les articles furent enregistrés, le caissier me posa la question : « Voulez-vous le ticket de caisse ? ». Je lui répondis promptement, avec assertivité et, je dois dire, un énervement assez palpable : « Oui, et on ne devrait même pas me le demander ! ». Et le jeune homme de me répondre : « Pourquoi ne devrait-on pas vous le demander ? ». Je lui répliquai : « Je vous retourne la question : pourquoi devrait-on me le demander ? ». Réponse de mon jeune padaoine : « Parce que c’est la loi ». Le grande faiblesse de ce genre d’argument est que si, en général, l’obéissance à la « loi » (nous venons de voir en PS3 que, potentiellement, plus rien n’est légal dans la République dite française…) est sans conséquence sur le « vivre ensemble » (comme ils disent…), à certaines heures, elle peut conduire… à des génocides. Comme en 1943 avec ce qu’on appelle aujourd’hui la Shoah ; et en 2023, comme en témoigne la récente inversion des tendances de la courbe de mortalité et de la courbe de natalité en France.

PS5 : On ne saurait mieux caractériser les membres de la classe dirigeante, telle que définie par Tatiana Ventôse, Faut-il raser Nanterre ? – Métropoles, banlieues, France périphérique (& mon affiliation politique, mise en ligne aux alentours du 25 juillet 2023, qu’ainsi :

ils n’aiment pas la nature, puisqu’ils en salissent les paysages avec des éoliennes, et détruisent l’agriculture par une politique européenne qui fixe pour objectif l’augmentation continue de la productivité agricole au détriment de qualité de ses produits ;

ils n’aiment pas l’excellence, puisqu’ils veulent absolument qu’il y ait au moins 80 % de bacheliers dans chaque classe d’âge, et se sont employés à salir méthodiquement la réputation du professeur Didier Raoult, ainsi que celle d’Alexandra Henrion-Caude, et ont contraint un Mehdi Belhaj Kacem à vouloir quitter la France pour préserver ses enfants d’une institution scolaire devenue folle ;

ils n’aiment pas la beauté, puisqu’ils ont saccagé ce qui était encore il y a peu la plus belle ville du monde (Paris) avec des œuvres « d’art contemporain » et des « surmulots » (sic) et détruisent des églises ;

ils n’aiment pas la vérité, puisqu’ils s’empressent de condamner à la mort sociale quiconque ose la dire ;

ils n’aiment pas la justice, puisqu’ils organisent l’impunité de leur classe ;

ils n’aiment pas la liberté, puisqu’ils font des prisonniers politiques, à l’image du Capitaine Juving-Brunet, scandaleusement emprisonné pendant 111 jours, dont on attend de savoir ce qui lui était reproché ;

ils n’aiment pas la vie, puisqu’ils déremboursent ou retirent du marché des médicaments efficaces, comme la Carbocistéine ou le Di-Antalvic (combien de morts pour le Di-Antalvic, par rapport au nombre de décès liés à la « vaccination » contre le Sars-Cov 2 ?), ont interdit des traitements efficaces contre le Sars-Cov 2 afin de mieux pouvoir écouler leur stock de « vaccins » (sic), et que l’objectif qu’ils se fixent quotidiennement, c’est de pourrir celle d’autrui ; enfin ils obligent les Français à « travailler » pour « gagner leur vie » (horrible expression…).

N’est-ce pas plutôt, objectivement, dans les résultats de l’action politique de cette classe qu’on rencontre le plus « la vie crucifiée et le néant célébré » (Michel Onfray, Traité d’athéologie, Grasset & Fasquelle, 2005, quatrième de couverture) que dans La Vulgate ?

Que les membres de cette classe méditent sur ce propos du Pr Ian Macolm, spécialiste de la théorie du chaos, interprété par Jeff Goldblum (version française : Richard Darbois) dans Jurassic Park : « la vie trouve toujours son chemin »…

PS6 : Je n’ai pas de problèmes cardiaques, je n’ai pas de pulsions suicidaires, et ma voiture est correctement entretenue. En revanche, je n’ai pas les moyens de m’offrir un garde du corps. Je dis ça, au cas où…

Affaire « Civitas » (1/2) : qu’est-ce que la laïcité ?

« Qu’est-ce que la laïcité ? », interroge dans un ouvrage le très docte Henri Peña-Ruiz…

Je vais, dans ce court article, essayer de vous épargner la lecture de cet ouvrage de 352 pages, car en ces temps d’inflation galopante, il n’est pas de petites économies.

A. Supposons qu’un groupe prônant le retour aux valeurs traditionnelles du catholicisme, soit menacé de dissolution. Quelques heures après cette annonce par un ministère de l’Intérieur, vous verriez fleurir, çà et là, des images ressemblant à celle-ci :

Imaginons maintenant que vous soyez fonctionnaire, et que vous souhaitiez manifester votre soutien à ce groupe, en imprimant sur papier une affiche ressemblant à cette image, afin de la poser sur la porte de votre bureau. Alors je dis qu’il y a 100% de chances que les évènements suivants s’enchaînent :

  1. Vous feriez l’objet d’une plainte de la part de vos « chers collègues ».
  2. Vous seriez convoqué dans le bureau du directeur local.
  3. Vous feriez l’objet d’un rappel à la loi de 1905 sur la séparation de l’Église de l’État, ainsi que d’un rappel à la loi sur l’obligation de neutralité des fonctionnaires sur leur lieu de travail.
  4. Vous seriez sommé de retirer immédiatement de la porte de votre bureau l’affiche que vous auriez imprimée.
  5. Vous feriez éventuellement l’objet de sanctions administratives, pouvant aller jusqu’à la radiation du corps auquel vous appartenez.

B. Maintenant, imaginons la situation suivante : imaginons qu’un « attentat » ait eu lieu au sein de la rédaction d’un journal satirique. En fait, il se serait plutôt agi d’un crime de guerre. Dans ce cas, en moins de 72 heures, les plus petits recoins de l’espace public seraient miraculeusement recouverts de ce genre d’affiche :

Dans la foulée, trois jours de deuil national seraient décrétés par le président de la République en exercice.

Si vous étiez fonctionnaire, vous vous verriez imposer par le Directeur général de votre administration, une minute de silence, autrement dit, un instant de recueillement collectif, et vous auriez envie d’afficher votre soutien à ce journal, par conviction, ou plus vraisemblablement par suivisme moutonnier, en imprimant cette image sous forme d’affiche, pour la poser sur la porte de votre bureau.

Dans cette configuration, vous ne seriez absolument pas inquiété par votre directeur local…

Maintenant, nous pouvons répondre à la question du titre de cet article : la laïcité à la française, c’est lorsque vous êtes interdit de vous réclamer des traditions catholiques et royales qui ont fait la grandeur de la France, mais vous êtes contraint de vous sentir solidaire d’un journal « pro-OTAN, pro-prouts, et pro-guerres », selon la classification du Décodex alternatif.

Moralité : merci M. Émile Combes !

Faites Laguerre, pas l’amour

Contrairement à une apparence trompeuse, je n’ai pas oublié une espace (oui, en typographie, on dit : une espace) entre « LA » et « GUERRE », car le titre de cet article n’est pas Faites la guerre, pas l’amour , mais : Faites Laguerre, pas l’amour. Il s’agit bien sûr d’un jeu de mots sur une des expressions favorites de nos chers (financièrement parlant) soixante-huitards : « Faites l’amour, pas la guerre ». Et leur slogan a tellement été mis en pratique qu’aujourd’hui, dans l’Éducation nationale « pilotée » par M. Pap Ndiaye, on va pouvoir apprendre l’« amour » (ou plutôt la pornographie…) plutôt que Laguerre. Nous y reviendrons plus loin.

En effet, pendant que certains de nos quartiers s’embrasent, notre cher (financièrement parlant…) ministre de la Désinstruction nationale (comme dirait René Chiche) s’investit corps et âme dans la tâche consistant à légiférer sur les « bonnes pratiques  » pédagogiques permettant d’assurer convenablement la transmission de l’art ancestral de la « turlute royale » (© Laurent Gerra, à 3’00).

Mon père, Jean-Guy Degos, aimait à nous citer à table la phrase suivante : « La pipe du pape Pie pue ». Bel exemple d’allitération en « p ». Ici, on imagine que la « pipe » désigne l’objet représenté sur le célèbre tableau de René Magritte, Ceci n’est pas une pipe. Si mon père revenait parmi nous, connaissant son aptitude aux jeux de mots à la manière de Robert Desnos dans son poème Rrose Sélavy, tiré du recueil Corps et biens, je suis sûr qu’il commenterait le « plan de formation » à l’éducation à la sexualité à l’attention des personnels de l’Éducation (?) nationale de M. Pap Ndiaye par ce mot d’esprit : « Le petit Pap put la pipe ».

C’est-à-dire que, bien qu’un jour, le regretté Pascal Sevran eût l’occasion de s’émouvoir en déclarant : « on passe beaucoup trop de temps à l’école pour ne rien y foutre », aujourd’hui, grâce à l’intercession de M. Pap Ndiaye, à l’école, non seulement on saura quoi « foutre », mais on saura aussi comment : Merci Pap ! C’est vrai… Au fond, la pipe, qu’on la fume ou qu’on la taille, n’est-ce pas toujours une question… de maîtrise de la langue ?

Juan Asensio, critique littéraire peu apprécié par le microcosme germanopratin, déclara dans une intervention sur Twitter : « Je crois que Pap Ndiaye, que l’on nous présenté comme « un intellectuel », est avant tout et peut-être seulement rien d’autre qu’un imbécile patenté ».

Et là, mon père, qui a beaucoup œuvré pour que la branche Droit et Sciences économiques de l’ancienne Université Bordeaux I, prît le nom d’Université Montesquieu Bordeaux IV, aurait peut-être commenté les propos de Juan Asensio en disant que si Charles de Secondat revenait parmi nous, il n’écrirait pas, dans sa Lettre XXIX des Lettres persanes, « Le Pape est le chef des chrétiens », mais plutôt : « Le Pap est le chef des crétins ». Le crétin étant le « crétin institutionnel », tel que stipendié par Jean-Paul Brighelli dans son livre La fabrique du crétin. La mort programmée de l’École (‎Jean-Claude Gawsewitch, 2005).

En effet, au moment où M. Pap Ndiaye communiquait sur son plan de formation des personnels à l’éducation à la sexualité, je reçus un courrier électronique d’une amie qui me parlait des résultats des examens de Licence 2 de mathématiques de sa fille, de la manière suivante : « comment un étudiant qui n’a assimilé « aucun concept mathématique » peut-il avoir validé une L1 à près de 14 de moyenne générale (et une L2 à 10, mais enfin c’est passé) ? Bonjour le niveau des profs de maths… »

Cela appelle deux remarques.

La première remarque, c’est que je pense que lorsque mon amie, elle-même institutrice (car bien qu’elle se revendique « professeur des écoles » à la lettre, je pense qu’elle est institutrice dans l’esprit : je renvoie sur ce point à mon article De l’urgence qu’il y a « porter la parole » du 18 juin 2023) d’un âge commensurable au mien écrit : « Bonjour le niveau des profs de maths », je crois qu’elle ne parle pas forcément du niveau des professeurs actuels, mais du niveau des futurs professeurs. Car, quel genre de professeurs recrutera-t-on lorsqu’on les puisera dans un vivier d’étudiants qui ont aussi mal acquis les fondamentaux dans le premier cycle des études supérieures, et auxquels on a fait croire, depuis l’école primaire, qu’ils étaient brillants au moyen d’une sur-notation ?

La deuxième remarque, c’est que la révélation qu’« aucun concept mathématique » n’est réellement maîtrisé par sa fille, après une issue favorable à ses examens de Licence 2 lui a été faite par un professeur agrégé ayant vingt ans d’expérience des « khôlles » en classes préparatoires scientifiques.

D’où le titre du présent article, Faites Laguerre, pas l’amour, Laguerre renvoyant à l’inventeur des polynômes du même nom.

En effet, comme l’a écrit George Polya dans son livre Comment poser et résoudre un problème (Paris, Dunod, 1965) :

« Règles de l’enseignement. La première de ces règles, c’est bien connaître ce qu’on est censé enseigner ; la seconde, c’est en connaître davantage. Il faut commencer par le commencement. Nous ne pensons pas qu’il soit totalement inutile de proposer aux professeurs des règles de conduite, sinon nous n’aurions pas écrit cet ouvrage sur le comportement respectif du professeur et des élèves. Pourtant, n’oublions pas qu’un professeur de mathématiques doit connaître ce qu’il enseigne et que, s’il désire inculquer à ses élèves la tournure d’esprit qui convient pour aborder les problèmes, il doit d’abord avoir lui-même acquis cette attitude » (section : Petit dictionnaire d’heuristique, page 199 ; c’est moi qui souligne).

Et Liping Ma d’ajouter, dans son livre Knowning and Teaching Elementary Mathematics (Lawrence Erlbaum Associates, 1999) à propos de l’enseignement la division des fractions à l’école primaire :

« Les connaissances pédagogiques peuvent-elles compenser l’ignorance du concept ? Le fait que les enseignants ne comprennent pas la signification de la division par des fractions a déterminé leur incapacité à générer une représentation appropriée. Même leurs connaissances pédagogiques n’ont pas pu compenser leur ignorance du concept. (…) L’utilisation par Mme Francine de biscuits Graham à quatre sections était également pédagogique pour représenter les quarts. Cependant, cela n’a pas permis de remédier à son incompréhension de la signification de la division par des fractions. Pour générer une représentation, il faut d’abord savoir ce que l’on veut représenter. (…) Au cours des entretiens, les enseignants ont fait part de diverses idées pédagogiques pour générer des représentations. Malheureusement, en raison de leur connaissance insuffisante de la matière, aucune de ces idées n’a réussi à les conduire à une représentation correcte. » (Chapitre 3, Générer des représentations : division par des fractions, pp. 70-71 ; c’est moi qui souligne).

De l’urgence qu’il y a à «  porter la parole »

En défense de René Chiche, et de tous les professeurs qui ont commis le crime de lèse-chefaillons consistant à vouloir penser et s’exprimer librement…

Lors d’une conférence attenante à la récente assemblée générale de la Ligue nationale pour la liberté des vaccinations, qui s’est tenue le samedi 10 juin 2023 à Metz, Pascal Corradini, dont les Dépêches citoyennes avaient relaté les différends qui l’ont opposé à l’administration de l’Éducation nationale, a insisté sur l’importance de « porter la parole ». Cela m’a inspiré le présent développement sur le champ lexical de l’Éducation nationale, comportant les mots suivants : enfant, professeur, enseignant, élève, maître, apprenant, autorité, éduquer, instruire, hiérarchie, etc., et… un petit nouveau qui apparaîtra en fin d’article.

À la fin de cette conférence, j’ai en effet abordé Pascal Corradini avec cette question : « qu’est-ce qui réunit l’enfant et l’enseignant, d’un point de vue sémantique ? ». Il s’ensuivit une réponse qui avait un intérêt, mais qui passait à côté de la vérité dont je voulais que mon interlocuteur « accouchât » (comme l’eût dit Socrate), et dont l’exposition et le développement sont l’objet des lignes qui suivent.

Ce que je voulais faire émerger, c’est le mot grec « φη », radical commun à certaines formes fléchies du verbe « φημί, φῄς, φησί, φάμεν, φατέ, φασί » (phémi, phès, phessi, phamèn, phaté, phassi) qui signifie « rendre visible, d’où manifester sa pensée par la parole » ; c’est la trace de ce radical dont témoignent le « fa » de « enfant », et le « fes » de « professeur », et qui est précisément absente dans le mot « enseignant ».

L’enfant, c’est l’« in-fans » (qui a aussi donné « infante »…) : celui qui ne possède pas (encore) la parole ; le professeur est celui qui fait l’action exprimée par le verbe grec « πρό·φημι » : « je dis ou j’annonce d’avance », verbe qui a aussi donné en français le mot « prophétie ». Question de parole encore… En résumé, le professeur est un « porteur de parole » à l’enfant, qui ne la possède pas encore, ou pas complètement. Ce constat fait, on saisit mieux l’indignité qu’il y a eu, pour l’Éducation nationale, à bâillonner enfants et professeurs avec des filtres à café sur le museau, fût-ce sous (faux) prétexte sanitaire…

Il est alors assez singulier de constater que :

  • d’une part, l’Éducation nationale recrute des « professeurs » (stagiaires), comme c’est mentionné sur les sujets des épreuves écrites des concours ;
  • d’autre part, dans la société, et notamment dans les différents canaux d’information (presse écrite, télévision, radio, et maintenant Internet), il est rarement question d’autre chose que d’« enseignants », ou pire : de « profs ».

Or, le remplacement du beau mot de « professeur » par celui d’« enseignant », ou par le sobriquet « prof » n’est pas anodin… Celui qui accepte pour lui-même le vocable d’enseignant a, fût-ce involontairement, intériorisé le fait d’avoir renoncé à sa mission consistant à « porter la parole ». Robert Redeker, professeur agrégé de philosophie et essayiste, n’hésitait pas à comparer l’« enseignant » au « pédagogue-esclave de l’Antiquité », dans sa conférence Les enjeux de la destruction de l’École républicaine, lors d’un congrès du Syndicat des agrégés de l’enseignement supérieur (Sages) qui se tint en 2002 à Marseille.

Pour comprendre la dégradation qu’implique le passage du signifiant « professeur » au signifiant « enseignant », relisons un extrait de l’ouvrage d’Henri Gunsberg, intitulé Le lycée unidimensionnel, paru aux éditions Mercure de France en 1970 : « Ainsi, non seulement les valeurs intellectuelles et culturelles seront rejetées par les éducateurs eux-mêmes loin derrière la souplesse sociale, l’habileté à jongler avec les mécanismes de la société et la dextérité à manipuler les autres, mais les professeurs seront les victimes consentantes d’un système qu’ils auront été les premiers à exiger. Cela ne signifie pas que l’enseignement des disciplines habituelles disparaîtra ni que les professeurs souffriront davantage dans le nouveau système que dans l’ancien. Simplement, le niveau sera moins élevé, on se préoccupera de techniques beaucoup plus que de contenu, on n’attachera guère d’importance aux matières non fondamentales (sauf spécialisation), et le tout entraînera un appauvrissement de l’esprit critique et de la culture ainsi qu’une sorte d’auto-spécialisation invisible et rapide. Quant aux professeurs, ils seront autres ; voilà tout. Bulles de savon légères, incolores et inodores, soufflées au gré des uns et ballottées par les brises, craignant d’éclater au moindre choc, groupées au plus imperceptible frisson d’air, vous êtes ce qu’ils seront. Les professeurs des établissements de demain seront des esprits dociles, sans vigueur ni relief et aussi semblables entre eux que possible. Leur rôle sera de vanter indirectement une société qui les écrasera, un monde qui les méprisera, un système qui les étouffera. Dans un pays où l’éloge du PIB est tout, l’intellectuel n’est rien de plus que l’écho des cris d’alarme qu’il pousse ; il n’y aura plus d’écho puisqu’il n’y aura plus de cris. Enseignant et prônant des valeurs qui précisément repoussent au bas de l’échelle celles qui faisaient jusqu’ici sa force et son prestige, l’enseignant dégringolera au sein de la société. Manipulé par les uns, improductif pour les autres, domestique de la société pour tous, le professeur de nos futurs établissements sera donc bien différent de ce qu’il est aujourd’hui : son caractère aura la minceur du papier à cigarettes, sa personnalité sera celle d’un objet de Prisunic. » (Henri Gunsberg, Le lycée unidimensionnel, Mercure de France, 1970, VI – c’est moi qui souligne).

Quiconque aurait l’occasion de dialoguer avec Pascal Corradini, Andréas Pfeiffer ou Jocelyne Chassard, et quelques autres, constaterait facilement qu’il n’a pas affaire à des « esprits dociles, sans vigueur ni relief et aussi semblables entre eux que possible » ayant « la personnalité d’objet[s] de Prisunic », et c’est assez rassurant pour l’avenir des générations futures.

Dans une École qui fonctionnerait correctement (c’est-à-dire pas celle de ces trente dernières années), il y aurait des enfants et des maîtres ou instituteurs jusqu’à l’école primaire ; puis des élèves et des professeurs à partir du collège. Depuis l’avènement de l’ère du pédocentrisme dans l’Éducation nationale, institué par la Loi d’orientation Jospin du 11 juillet 1989, il n’y a plus d’enfants et d’élèves ; il y a… des jeunes et des apprenants. Et surtout, l’école ne serait pas un « lieu de vie » (dans lequel, d’ailleurs, aujourd’hui, on la risque de plus en plus, sa vie – la famille de Samuel Paty, et les enfants victimes de harcèlement, pourraient en témoigner…), mais un endroit sacré où cultiver le « loisir de penser » (Jacques Muglioni, ancien doyen de l’Inspection générale de Philosophie a commis un excellent ouvrage : L’école ou le loisir de penser, paru en 1993 aux éditions du CNDP, et enfin réédité en 2017 par les éditions Minerve). Car c’est bien le sens du mot « école », « σχολή » ; un lieu de loisir, où l’on devrait pouvoir se consacrer à l’« universel (…) dans la lenteur » (voir infra) ; plutôt qu’aux particularismes dans la précipitation.

Reprenons plus précisément ce qu’a pu écrire Robert Redeker dans la conférence citée supra : « Pour des raisons que l’on comprendra, les vocables de maître, de professeur et d’instituteur sont bien préférables à celui d’enseignant – qu’on emploiera cependant, mais par défaut. L’enseignant – sur le modèle du pédagogue-esclave dans l’Antiquité – montre, telle une enseigne, ce qui existe dans la société ; c’est pourquoi le mot d’ « enseignant » est un terme qui plaît tant à tous ceux qui (médias, journalistes, sociologues en livrée, ministres, inspecteurs, proviseurs, parents d’élèves) souhaitent la mort de l’école républicaine. Le terme d’ « enseignant » déspécifie le contenu du métier d’instituteur (comme il déspécifie celui de professeur). L’œuvre de l’instituteur est pourtant toute différente de celle de l’enseignant : il institue, il met debout, il fait grandir dans l’enfant ce que celui-ci ne trouvera pas dans la société, il le fait grandir à partir de forces qui ne sont pas celles de la société. » (c’est moi qui souligne).

Ce n’est donc que l’étendue et la précision de son savoir qui peuvent justifier que l’on reconnaisse l’autorité d’un maître, d’un instituteur, ou d’un professeur, car l’autorité (auctoritas en latin), c’est ce qui résulte du fait que l’on a été auteur (auctor en latin), et traduit la capacité à augmenter (augeo, es, ere en latin) l’autre. L’autorité relève donc de la légitimité, quand le pouvoir n’est donné que par la légalité. Prenons une métaphore footballistique pour illustrer cela : si vous avez été capitaine d’une équipe de France de Football qui a remporté la Coupe du Monde, vous êtes plus légitime pour encadrer cette équipe en quête du même trophée, même si vous n’avez pas de diplôme d’entraîneur, que si vous avez un diplôme d’entraîneur, et si toutes les équipes que vous avez encadrées jusqu’à présent ont été rétrogradées en divisions inférieures…

Or, dans les administrations, dans les entreprises, et dans la vie politique, il y a aujourd’hui beaucoup trop d’hommes et de femmes de pouvoir, et pas assez d’hommes et de femmes d’autorité. La différence ? L’autorité mérite le respect ; le pouvoir doit être combattu, car il a toujours pour ennemi l’intelligence. Quand le pouvoir prescrit un comportement conforme à l’« éthique des règles », l’autorité s’efforcera plutôt de se conduire selon l’«éthique des vertus » (voir cette conférence d’Alexandre Havard sur Epoch Times). Vladimir Poutine, président de la fédération de Russie, vient de faire cette déclaration lors du Forum économique international de Saint-Pétersbourg 2023 : « (…) Quant à Chirac, c’était un homme qui avait des connaissances encyclopédiques, au sens plein du terme. Certains dirigeants contemporains n’ont même pas fait d’études supérieures, mais le système politique de certains pays est tel qu’il élève au sommet des gens ayant, je dirais, une formation générale et un niveau culturel plutôt faibles. Aujourd’hui, Jacques Chirac n’est plus là ; c’était une personnalité politique de grande ampleur. Une fois je lui ai demandé pourquoi les dirigeants américains se comportaient ainsi, avec tant d’agressivité, de façon si irréfléchie dans certains cas. Il m’a répondu, en russe… (En russe !) : « Parce qu’ils manquent de culture ». Citation… » (c’est moi qui souligne).

Certains hommes politiques français paradent parfois dans les médias en prétendant vouloir « restaurer l’autorité de l’État ». Le problème est que l’État ne peut pas avoir d’autorité, car contrairement aux individus, « les institutions n’ont pas d’états d’âmes ou de prises de consciences à réaliser » (René Guitart, La pulsation mathématique, section 6. Le professeur est un instructeur). L’État n’est qu’un lieu de pouvoir ; ce sont donc, à la rigueur, les fonctionnaires dont il faudrait restaurer l’autorité, au sens que j’ai développé ci-dessus…

Lorsque l’autorité n’est pas en mesure d’être reconnue naturellement (par exemple par manque de savoir en ce qui concerne les professeurs – ce qui n’est pas la même chose que le manque de formation…), il n’y a plus que le pouvoir pour imposer et contraindre. L’autorité, comme je le disais ci-dessus, relève de la légitimité, quand le pouvoir ne s’appuie que sur la légalité. C’est pourquoi celui qui a affaire à des élèves, devrait avoir la préoccupation d’être un magister (qui a donné « maître », « maîtrise ») plutôt qu’un dominus (qui a donné « dominant »).

Dès lors, un instituteur, un maître ou un professeur ne peuvent qu’être… magistraux. Derrière le « cours magistral », il y avait la grandeur (du latin magnus, qui a donné « magnitude »), anciennement matérialisée par la surélévation de la chaire. Depuis la fin des années 1960, on a beaucoup critiqué le cours magistral, avec des métaphores assez peu pertinentes. Selon certain didacticien peu brillant que je ne nommerai pas, le mode opératoire de la transmission du savoir qui prévalait avant la promotion des « méthodes actives » pourrait être comparé au fait de déverser du savoir dans la tête de l’élève via un entonnoir. Or cette métaphore ne tient absolument pas compte du fait qu’un entonnoir n’oppose aucune résistance à l’écoulement d’un liquide en son intérieur, contrairement à l’élève, qui doit assimiler des notions qui lui sont de prime abord partiellement étrangères.

Enseigner (du latin insignere), c’est « baliser de significations » ; instruire (du latin instruere), c’est « outiller, donner la possibilité d’un usage réel » (René Guitart, La pulsation mathématique, section 66. Il n’y a pas de savoir-faire savants). Selon une opinion assez répandue, l’éducation serait « de gauche » où l’on enseigne, quand l’instruction, où l’on instruit, serait « de droite ». L’inconvénient, c’est que la réalité historique montre l’exact contraire, puisque Michel Delord reprend ce propos de Benito Mussolini : « la transformation du ministère de l’instruction publique en éducation nationale est la plus fasciste de mes réformes ». Du moins, si on l’on admet que le fascisme est « de droite »…

Mais en réalité, il faudrait renvoyer dos à dos les partisans de l’éducation seule et les partisans de l’instruction seule, car en fait les deux sont nécessaires, comme le montre ce schéma extrait du livre René Guitart cité supra (93. Transposition, page 290) (P, M, E désignent respectivement professeur, mathématicien et élève) :

Dès lors, j’ai du mal à me satisfaire de l’assertion-ci : « le professeur instruit » comme antidote à cette assertion-là : « le professeur éduque ». Il conviendrait de promouvoir un autre verbe qui ne soit pas politiquement connoté, et décrive mieux ce qui passe entre le professeur et l’élève. Plutôt donc qu’une métaphore à base d’entonnoir, je propose de convoquer une métaphore à base de… percolateur : le mathématicien hongrois Paul Erdös n’a-t-il dit un jour : « un mathématicien est une machine à transformer du café en théorèmes » ? Or, pour faire du café, il faut moudre du café en grain, le déposer dans un filtre, faire chauffer de l’eau, et la verser sur le café moulu. Au bout d’un moment, que l’on ne peut pas déterminer à l’avance, il y a percolation : le café coule. Ce mot de « percolation » est celui qui est utilisé par Michel Serres dans un paragraphe de son livre Les origines de la géométrie (Flammarion, 1993) dont les deniers mots sont les suivants : « Une multitude de relations peuvent ou non attacher entre eux un grand nombre d’objets ou d’états de choses : voilà le temps percolant, c’est-à-dire le vrai, qui peut nous aider à comprendre l’histoire. Et pour quelle raison, simpliste ou terrible, réduire une telle complexité à un couloir ou une ligne continue reliant uniment un point à un autre, à la queue leu leu ? Qui en serre le guichet d’étranglement ? » (pages 40-41).

Le français dispose alors du verbe : « instiller », qui signifie : « verser à goutte à goutte ». C’est très exactement ce que l’on fait quand on verse de l’eau sur le café moulu reposant dans un filtre. Métaphoriquement, l’interaction que le professeur a avec l’élève revient, pour le premier, à donner du grain à moudre au second, et à verser ensuite goutte à goutte de l’eau, mais aucun des deux ne peut savoir quand aura lieu la percolation, c’est-à-dire quand aura lieu la compréhension du second, ce que Michel Delord résume ainsi : « Globalement, il me semble qu’il faut donner à l’élève tout ce qui lui permet de comprendre, et sans estimer a priori que l’on va maîtriser la manière dont il comprend, et sans penser être capable de l’évaluer à court terme sur sa compréhension (on peut évaluer des savoir-faire, mais au-delà ?) » (Michel Delord, Survol : sciences de l’éducation, 5 avril 2000). C’est bien pourquoi l’école doit un lieu de loisir, où l’on a du temps : « Nous devons travailler dans l’universel et dans la lenteur », expliquent Fanny Capel et Emmeline Renard, membres du collectif Sauver les lettres, dans un article intitulé : Quels sont les obstacles à l’enseignement des lettres au lycée ? (6 mai 2000).

Je propose donc : un professeur instille ; ce qui, moyennant un légère déformation sonore, peut également s’entendre ainsi : un professeur, un style. Et c’est pourquoi il faut combattre toute conception du « plus beau métier du monde » qui serait autre que celle d’un… artisanat, en lieu et place de l’industrialisation des contenus produite par la didactique et la pédagogie depuis au moins 50 ans. Faute de quoi, ce sont des robots que l’institution produira. L’application servile par une majorité du corps « enseignant » de protocoles « sanitaires » (sic) aussi idiots qu’inefficaces l’a déjà amplement démontré. D’ailleurs, Michel Delord notait déjà il y a plus de vingt ans dans son texte NTIC à l’école : un pas de plus dans l’enseignement taylorisé d’une pensée taylorisée ? :

«  On ne pourra jamais remplacer un enseignant par un ordinateur ?

(…)

Ceci dit, revenons à la question initiale : l’acceptation par le corps enseignant des différentes réformes depuis une trentaine d’années rend tout à fait possible leur remplacement par des robots. » (c’est moi qui souligne).

C’était entre 1999 et 2001, et ces propos-là se révèlent visionnaires quand on voit émerger sur le forum les-mathematiques.net la question « Tous les profs au chômage avec ChatGPT ? ». À cette question, et à la lumière des analyses lexicales précédentes, je réponds : les « profs », certainement ; les professeurs, tels que René Chiche ainsi que tous ceux que je cite dans cet article, qui savent cultiver et faire valoir leur autorité, certainement pas. Qu’ils reçoivent donc ici mon soutien, car ils nous apprennent qu’après le naufrage intégral de l’esprit critique dans l’Éducation nationale (la plupart des « syndicats » financés par la Confédération européenne des syndicats n’ont-ils pas pleurniché pour réclamer des masques FFP2 pour tous, alors qu’il aurait fallu tenir bon sur le droit naturel à respirer sans entrave pour tous ?), il reste encore des survivants.

Dans le prolongement des réflexions que j’ai entamées ci-dessus sur le terme d’autorité, il n’est pas possible de ne pas évoquer aussi celui de hiérarchie, mot qui a en commun avec les hiéroglyphes le préfixe d’origine grecque hiéro– , qui signifie : sacré. L’ouvrage de Jean-François Champollion, qui a déchiffré les hiéroglyphes égyptiens s’intitule : Grammaire égyptienne ou Principes généraux de l’écriture sacrée égyptienne appliquée à la représentation de la langue parlée (1836) – c’est moi qui souligne. C’est pourquoi, près du sommet de la hiérarchie (qui signifie littéralement : commandement par le sacré) égyptienne, on trouvait… les scribes, c’est-à-dire ceux qui étaient capables d’écrire, et donc d’être auteurs.

Or, dans un pays touché par La fin du Sacré (Sylvain Durain, éditions La nouvelle libraire, 2022) et par un net recul du temps consacré à l’enseignement de la grammaire, on se demande comment il pourrait bien y avoir des hiérarchies à respecter ; il y a seulement des pouvoirs qui exigent que l’on s’y soumette. Par ricochet, il n’y a plus de démocratie méritocratique en France, et encore moins, malheureusement, d’aristocratie (gouvernement par les meilleurs, à distinguer de la ploutocratie : gouvernement par les riches…). Il y a une reptature : un régime dans lequel la promotion sociale est obtenue en faisant montre d’aptitudes avérées à la reptation, qui désigne l’action consistant à… ramper, du verbe latin reptare, dont on a tiré le nom d’une classe de vertébrés tétrapodes : les reptiles. La classe des reptiles est elle-même divisée en quatre ordres. Celui des squamates contient notamment l’espèce du serpent, qui est l’une des modalités de la manifestation de… Satan. La boucle est bouclée…

Travail à faire à la maison : face à La désinstruction nationale (éditions Ovadia, 2020) de René Chiche, quelles sont, selon vous, lecteur (pas d’écriture inclusive entre nous, s’il vous plaît…) de cet article, les œuvres de Monsieur le ministre de l’Éducation nationale qui nous permettraient d’affirmer qu’il est légitime pour parler d’autre chose que de La condition noire ? Par exemple de philosophie et de mathématiques, car… « Aux termes de celle-ci [à savoir « la conception grecque de la rationalité »], les sciences premières en qualité sont celles dont les principes sont les plus abstraits, celles qui procèdent au plus haut degré de l’universel : philosophie et mathématiques » (Frédéric Patras, La pensée mathématique contemporaine, PUF, 2000, page 14).

Pour terminer, j’aimerais que mon lecteur (pas d’écriture inclusive entre nous, s’il vous plaît…) ne me dénonçât pas à la Licra ou au Cran, au motif que la question que j’ai posée ci-dessus témoignerait d’un racisme supposé. Ce serait trop facile. En effet, dernièrement, j’ai eu l’occasion de ressentir une réelle admiration pour la « négritude », en regardant l’entretien de Salomé Saqué avec l’humoriste Edgar-Yves, réalisé par Blast le 30 mai 2023. Je recommande tout particulièrement l’extrait qui commence ici : on y découvrira une sagesse populaire dont nos nombreux Intellectuels-Mais-Idiots en costume-cravate (ou pas…) devraient s’inspirer… : « avoir un semblant d’existence, c’est pire que la mort (…) il y a des gens qui passent toute vie sans faire ce [dont] ils ont envie (…) être libre, ça a un vrai prix (…) alors que ça devrait être normal (…) c’est dans l’adversité qu’on découvre qui on est (…) assumez votre liberté ». (Edgar-Yves).

Dr Jean-Yves Degos

Docteur en mathématiques pures de l’Université Bordeaux I (2000),

Double lauréat de l’agrégation externe de mathématiques (1995 et 2009),

Ancien professeur agrégé stagiaire de mathématiques, licencié via un crime de bureau (2002), puis démissionnaire (2011),

Expert en orthographe (depuis 2014).

Du pain et du vain : déclassement et «  castors »

Dans cet article, je voudrais dispenser une petite leçon de déclassement à l’attention d’éventuels «  castors » (voir plus bas) qui se promèneraient par hasard sur ce site…

Pour cela, je vais suivre le conseil du Capitaine Alexandre Juving-Brunet dans l’une de ses récentes interventions sur YouTube : je vais calculer l’évolution de mon salaire en nombre de baguettes de pain.

Il y a 24 ans, début mai 1999, en tant que doctorant en mathématiques au Laboratoire de Mathématiques Pures de Bordeaux, je venais de toucher ma bourse du ministère de l’Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie (MÉNRT), d’un moment de 6123,50 F. Cette année-là, selon le site France Inflation, le prix d’une baguette de 250 g était de 4,13 F. J’aurais donc été, théoriquement, en capacité de m’offrir 1482 baguettes, puisque 6123,50 F / (4,13 F/baguette) = 1482,688 baguettes, par excès à 0,001 près.

En ce début mai 2023, je viens de toucher un salaire de fonctionnaire de catégorie A qui, après prélèvement à la source, est de 2528,61 €. Le prix d’une baguette, relevé à ma boulangerie habituelle, est de 1,20 €. Je serais donc en capacité d’acheter 2107 baguettes, puisque 2528,61 € / (1,20 €/baguette) = 2107,175 baguettes, quotient exact à 0,001 près.

Par conséquent, étant passé du grade de vacataire à celui de fonctionnaire de catégorie A, 24 ans après mes années d’étudiant, avec notamment en poche :

  • un doctorat de Mathématiques pures (9 octobre 2000) ;
  • un master Codes, Cryptologie et Sécurité informatique (2004) ;
  • trois années comme professeur agrégé stagiaire de mathématiques en lycées (2000-2002 et 2009-2010) ;
  • une deuxième agrégation externe de mathématiques (juin 2009 ; la première datait de juin 1995) ;
  • cinq excellentes performances au Certificat Voltaire (2014, 2017, 2018, 2020, 2021) ;
  • un prix Ensai-SFdS (8 juin 2021) ;
  • un master Évaluation et Décision Publiques, filière Statistique et Traitement de Données (fin septembre 2021) ;

le nombre de baguettes que je peux m’offrir avec mon salaire a augmenté de 41,1 % (par défaut à 0,1 près), puisque c’est le résultat de l’opération :

(2107 baguettes – 1482 baguettes) / (1482 baguettes) = 0,41173, par excès à 0,00001 près.

Puisque l’Euro scriptural (les écritures comptables…) était apparu le 1er janvier 1999, ma bourse de 6123,50 F équivalait à 933,52 € (taux de conversion : 1 € = 6,55957 F).

Mon salaire, en 24 ans, aurait donc augmenté de plus de 170,8 % entre mai 1999 et 2023, puisqu’on a :

(2528,61 € – 933,52 €) / 933,52 € = 1,70868, par défaut à 0,00001 près !!!

Comment diable est-il possible qu’avec un salaire presque multiplié par 3, on puisse se payer à peine plus d’un 1/3 de baguettes en plus ? Il faut se rendre à l’évidence : 1 € de 2023 ne vaut plus 6,55957 F de 1999 ! Par conséquent, non, mon salaire n’a pas augmenté de 170,8 % ! Pour calculer sa véritable évolution, il faut partir du réel constaté : une baguette, c’est une baguette ! Donc mon salaire a augmenté de :

(2107 baguettes – 1482 baguettes) / (1482 baguettes) ,

Quant à mon salaire d’aujourd’hui, il est en fait égal à 2528,61 € x t F/€, où t est un nombre de francs par euros par lequel il faudrait le multiplier pour obtenir sa valeur en francs de 1999. Le taux t doit satisfaire l’équation :

(2528,61 € x t F/€ – 6123,50 F) / (6123,50 F) = (2107 baguettes – 1482 baguettes) / (1482 baguettes) ,

qui exprime l’idée que l’évolution du salaire doit être la même, que ce salaire soit calculé en francs ou en nombre de baguettes ; plus précisément :

(2528,61 € x t F/€ – 6123,50 F) / (6123,50 F) = (2528,61 € / 1,20 €/baguette – 6123,50 F / 4,13 F/baguette ) / (6123,50 F / 4,13 F/baguette ).

Il s’agit là d’une brave équation du premier degré à une inconnue en t qu’un collégien de quatrième devrait savoir résoudre. Tous calculs faits, on trouve :

t = 3,44166 F/€ , par défaut à 0,00001 près.

Tout se passe donc comme si, en 24 ans :

  • l’Euro avait perdu près de la moitié de sa valeur (car 6,55957 / 3,44166 > 1,9) ;
  • j’étais passé d’une bourse d’un montant mensuel de bourse 6123,50 F à un salaire mensuel de 8702,62 F, par excès à 0,01 près.

Remarquons qu’en décembre 2001, avant l’arrivée de l’Euro dans nos porte-monnaie sous forme fiduciaire (les billets…) et divisionnaire (les pièces…), mon salaire de professeur agrégé stagiaire de mathématiques s’élevait à… 12435,22 F. Sans déduction des impôts, il est vrai. Mais en en retirant jusqu’à 14 %, il serait resté : 10694,29 F.

Pour en revenir au titre de cet article, autant Jésus Christ avait transformé l’eau en vin lors des Noces de Cana (Jean 2, 1-11), autant le « Grand Timonier de Jarnac  » (mot d’esprit dû à Laurent Gerra) semble avoir transformé le pain en vain[e] [monnaie] lors des Noces de… Maastricht.

Quant aux «  castors », ce sont, entre autres, une partie de ces bourgeois « CPIS » (« catégories et professions intellectuelles supérieures », selon la classification d’Emmanuel Todd dans son ouvrage La lutte des classes en France au XXIe siècle, Seuil, 2020, pages 351 et suivantes), qui ont peur d’une dépréciation de 15 % de l’Euro redevenu Franc (alors que c’est déjà une monnaie nationale, parce qu’émise par la Banque de France et non par la Banque centrale européenne, mais passons…), alors qu’ils ont été incapables de remarquer qu’il s’est déjà effondré de près de 50 %… Que dire ?

Complément et commentaires : la valeur de t trouvée ci-dessus, n’est autre, en fait, que celle du rapport 4,13 F / 1,20 €, comme le lecteur pourra le constater, mais il m’a semblé plus pédagogique de faire un raisonnement cohérent, plutôt que de plaquer l’égalité 1 € (2023) = 3, 44166 F (1999). Le problème, c’est que la baguette qui est vendue dans ma boulangerie au prix de 1,20 € n’est pas une baguette de 250 g, comme dans la série statistique trouvée sur le site France Inflation, mais c’est une baguette de 200 g seulement.

Il faut alors reprendre les calculs en remplaçant toutes les occurrences du prix 1,20 € par un prix de 1,50 € (en première approximation seulement, car il n’est pas évident que le coût de fabrication d’une baguette soit proportionnel à son poids – tout comme le coût de production d’un livre n’est pas proportionnel au nombre d’exemplaires produits – et ce qui permet alors aux boulangeries de vous proposer des offres du type « 3 baguettes achetées, la 4e offerte » sans perte de chiffre de bénéfice, et en déstockant plus facilement…).

Dans ce cas, on obtient 4,13 F / 1,50 € = 2,75333 F / € (à 0,00001 près par défaut) pour le taux de conversion de l’Euro de 2023 en Franc de 1999.

Les « castors » auront peut-être alors envie d’objecter que j’ai calculé mon salaire en baguettes de pain, alors que j’aurais pu le calculer en unités d’un produit dont le prix unitaire aurait baissé hors appréciation ou dépréciation monétaire. Mais le pain reste la base de l’alimentation ; c’est pourquoi les prix du blé étaient très réglementés avant la Révolution «  française » de 1789, comme on pourra l’apprendre dans cette conférence de l’historienne Marion Sigaut : La Révolution sans le Roi, ou le capitalisme à marche forcée.

La fonction civique du «  castor », c’est de faire sorte que dans un affrontement électoral de deuxième tour entre un candidat de «  l’estrème drouate » et le candidat du parti unique germano-américanolâtre de la «  bourgeoisie comprador » anti-France, ce soit toujours le second qui l’emporte… À tous les coups ça marche !