De l’urgence qu’il y a à «  porter la parole »

En défense de René Chiche, et de tous les professeurs qui ont commis le crime de lèse-chefaillons consistant à vouloir penser et s’exprimer librement…

Lors d’une conférence attenante à la récente assemblée générale de la Ligue nationale pour la liberté des vaccinations, qui s’est tenue le samedi 10 juin 2023 à Metz, Pascal Corradini, dont les Dépêches citoyennes avaient relaté les différends qui l’ont opposé à l’administration de l’Éducation nationale, a insisté sur l’importance de « porter la parole ». Cela m’a inspiré le présent développement sur le champ lexical de l’Éducation nationale, comportant les mots suivants : enfant, professeur, enseignant, élève, maître, apprenant, autorité, éduquer, instruire, hiérarchie, etc., et… un petit nouveau qui apparaîtra en fin d’article.

À la fin de cette conférence, j’ai en effet abordé Pascal Corradini avec cette question : « qu’est-ce qui réunit l’enfant et l’enseignant, d’un point de vue sémantique ? ». Il s’ensuivit une réponse qui avait un intérêt, mais qui passait à côté de la vérité dont je voulais que mon interlocuteur « accouchât » (comme l’eût dit Socrate), et dont l’exposition et le développement sont l’objet des lignes qui suivent.

Ce que je voulais faire émerger, c’est le mot grec « φη », radical commun à certaines formes fléchies du verbe « φημί, φῄς, φησί, φάμεν, φατέ, φασί » (phémi, phès, phessi, phamèn, phaté, phassi) qui signifie « rendre visible, d’où manifester sa pensée par la parole » ; c’est la trace de ce radical dont témoignent le « fa » de « enfant », et le « fes » de « professeur », et qui est précisément absente dans le mot « enseignant ».

L’enfant, c’est l’« in-fans » (qui a aussi donné « infante »…) : celui qui ne possède pas (encore) la parole ; le professeur est celui qui fait l’action exprimée par le verbe grec « πρό·φημι » : « je dis ou j’annonce d’avance », verbe qui a aussi donné en français le mot « prophétie ». Question de parole encore… En résumé, le professeur est un « porteur de parole » à l’enfant, qui ne la possède pas encore, ou pas complètement. Ce constat fait, on saisit mieux l’indignité qu’il y a eu, pour l’Éducation nationale, à bâillonner enfants et professeurs avec des filtres à café sur le museau, fût-ce sous (faux) prétexte sanitaire…

Il est alors assez singulier de constater que :

  • d’une part, l’Éducation nationale recrute des « professeurs » (stagiaires), comme c’est mentionné sur les sujets des épreuves écrites des concours ;
  • d’autre part, dans la société, et notamment dans les différents canaux d’information (presse écrite, télévision, radio, et maintenant Internet), il est rarement question d’autre chose que d’« enseignants », ou pire : de « profs ».

Or, le remplacement du beau mot de « professeur » par celui d’« enseignant », ou par le sobriquet « prof » n’est pas anodin… Celui qui accepte pour lui-même le vocable d’enseignant a, fût-ce involontairement, intériorisé le fait d’avoir renoncé à sa mission consistant à « porter la parole ». Robert Redeker, professeur agrégé de philosophie et essayiste, n’hésitait pas à comparer l’« enseignant » au « pédagogue-esclave de l’Antiquité », dans sa conférence Les enjeux de la destruction de l’École républicaine, lors d’un congrès du Syndicat des agrégés de l’enseignement supérieur (Sages) qui se tint en 2002 à Marseille.

Pour comprendre la dégradation qu’implique le passage du signifiant « professeur » au signifiant « enseignant », relisons un extrait de l’ouvrage d’Henri Gunsberg, intitulé Le lycée unidimensionnel, paru aux éditions Mercure de France en 1970 : « Ainsi, non seulement les valeurs intellectuelles et culturelles seront rejetées par les éducateurs eux-mêmes loin derrière la souplesse sociale, l’habileté à jongler avec les mécanismes de la société et la dextérité à manipuler les autres, mais les professeurs seront les victimes consentantes d’un système qu’ils auront été les premiers à exiger. Cela ne signifie pas que l’enseignement des disciplines habituelles disparaîtra ni que les professeurs souffriront davantage dans le nouveau système que dans l’ancien. Simplement, le niveau sera moins élevé, on se préoccupera de techniques beaucoup plus que de contenu, on n’attachera guère d’importance aux matières non fondamentales (sauf spécialisation), et le tout entraînera un appauvrissement de l’esprit critique et de la culture ainsi qu’une sorte d’auto-spécialisation invisible et rapide. Quant aux professeurs, ils seront autres ; voilà tout. Bulles de savon légères, incolores et inodores, soufflées au gré des uns et ballottées par les brises, craignant d’éclater au moindre choc, groupées au plus imperceptible frisson d’air, vous êtes ce qu’ils seront. Les professeurs des établissements de demain seront des esprits dociles, sans vigueur ni relief et aussi semblables entre eux que possible. Leur rôle sera de vanter indirectement une société qui les écrasera, un monde qui les méprisera, un système qui les étouffera. Dans un pays où l’éloge du PIB est tout, l’intellectuel n’est rien de plus que l’écho des cris d’alarme qu’il pousse ; il n’y aura plus d’écho puisqu’il n’y aura plus de cris. Enseignant et prônant des valeurs qui précisément repoussent au bas de l’échelle celles qui faisaient jusqu’ici sa force et son prestige, l’enseignant dégringolera au sein de la société. Manipulé par les uns, improductif pour les autres, domestique de la société pour tous, le professeur de nos futurs établissements sera donc bien différent de ce qu’il est aujourd’hui : son caractère aura la minceur du papier à cigarettes, sa personnalité sera celle d’un objet de Prisunic. » (Henri Gunsberg, Le lycée unidimensionnel, Mercure de France, 1970, VI – c’est moi qui souligne).

Quiconque aurait l’occasion de dialoguer avec Pascal Corradini, Andréas Pfeiffer ou Jocelyne Chassard, et quelques autres, constaterait facilement qu’il n’a pas affaire à des « esprits dociles, sans vigueur ni relief et aussi semblables entre eux que possible » ayant « la personnalité d’objet[s] de Prisunic », et c’est assez rassurant pour l’avenir des générations futures.

Dans une École qui fonctionnerait correctement (c’est-à-dire pas celle de ces trente dernières années), il y aurait des enfants et des maîtres ou instituteurs jusqu’à l’école primaire ; puis des élèves et des professeurs à partir du collège. Depuis l’avènement de l’ère du pédocentrisme dans l’Éducation nationale, institué par la Loi d’orientation Jospin du 11 juillet 1989, il n’y a plus d’enfants et d’élèves ; il y a… des jeunes et des apprenants. Et surtout, l’école ne serait pas un « lieu de vie » (dans lequel, d’ailleurs, aujourd’hui, on la risque de plus en plus, sa vie – la famille de Samuel Paty, et les enfants victimes de harcèlement, pourraient en témoigner…), mais un endroit sacré où cultiver le « loisir de penser » (Jacques Muglioni, ancien doyen de l’Inspection générale de Philosophie a commis un excellent ouvrage : L’école ou le loisir de penser, paru en 1993 aux éditions du CNDP, et enfin réédité en 2017 par les éditions Minerve). Car c’est bien le sens du mot « école », « σχολή » ; un lieu de loisir, où l’on devrait pouvoir se consacrer à l’« universel (…) dans la lenteur » (voir infra) ; plutôt qu’aux particularismes dans la précipitation.

Reprenons plus précisément ce qu’a pu écrire Robert Redeker dans la conférence citée supra : « Pour des raisons que l’on comprendra, les vocables de maître, de professeur et d’instituteur sont bien préférables à celui d’enseignant – qu’on emploiera cependant, mais par défaut. L’enseignant – sur le modèle du pédagogue-esclave dans l’Antiquité – montre, telle une enseigne, ce qui existe dans la société ; c’est pourquoi le mot d’ « enseignant » est un terme qui plaît tant à tous ceux qui (médias, journalistes, sociologues en livrée, ministres, inspecteurs, proviseurs, parents d’élèves) souhaitent la mort de l’école républicaine. Le terme d’ « enseignant » déspécifie le contenu du métier d’instituteur (comme il déspécifie celui de professeur). L’œuvre de l’instituteur est pourtant toute différente de celle de l’enseignant : il institue, il met debout, il fait grandir dans l’enfant ce que celui-ci ne trouvera pas dans la société, il le fait grandir à partir de forces qui ne sont pas celles de la société. » (c’est moi qui souligne).

Ce n’est donc que l’étendue et la précision de son savoir qui peuvent justifier que l’on reconnaisse l’autorité d’un maître, d’un instituteur, ou d’un professeur, car l’autorité (auctoritas en latin), c’est ce qui résulte du fait que l’on a été auteur (auctor en latin), et traduit la capacité à augmenter (augeo, es, ere en latin) l’autre. L’autorité relève donc de la légitimité, quand le pouvoir n’est donné que par la légalité. Prenons une métaphore footballistique pour illustrer cela : si vous avez été capitaine d’une équipe de France de Football qui a remporté la Coupe du Monde, vous êtes plus légitime pour encadrer cette équipe en quête du même trophée, même si vous n’avez pas de diplôme d’entraîneur, que si vous avez un diplôme d’entraîneur, et si toutes les équipes que vous avez encadrées jusqu’à présent ont été rétrogradées en divisions inférieures…

Or, dans les administrations, dans les entreprises, et dans la vie politique, il y a aujourd’hui beaucoup trop d’hommes et de femmes de pouvoir, et pas assez d’hommes et de femmes d’autorité. La différence ? L’autorité mérite le respect ; le pouvoir doit être combattu, car il a toujours pour ennemi l’intelligence. Quand le pouvoir prescrit un comportement conforme à l’« éthique des règles », l’autorité s’efforcera plutôt de se conduire selon l’«éthique des vertus » (voir cette conférence d’Alexandre Havard sur Epoch Times). Vladimir Poutine, président de la fédération de Russie, vient de faire cette déclaration lors du Forum économique international de Saint-Pétersbourg 2023 : « (…) Quant à Chirac, c’était un homme qui avait des connaissances encyclopédiques, au sens plein du terme. Certains dirigeants contemporains n’ont même pas fait d’études supérieures, mais le système politique de certains pays est tel qu’il élève au sommet des gens ayant, je dirais, une formation générale et un niveau culturel plutôt faibles. Aujourd’hui, Jacques Chirac n’est plus là ; c’était une personnalité politique de grande ampleur. Une fois je lui ai demandé pourquoi les dirigeants américains se comportaient ainsi, avec tant d’agressivité, de façon si irréfléchie dans certains cas. Il m’a répondu, en russe… (En russe !) : « Parce qu’ils manquent de culture ». Citation… » (c’est moi qui souligne).

Certains hommes politiques français paradent parfois dans les médias en prétendant vouloir « restaurer l’autorité de l’État ». Le problème est que l’État ne peut pas avoir d’autorité, car contrairement aux individus, « les institutions n’ont pas d’états d’âmes ou de prises de consciences à réaliser » (René Guitart, La pulsation mathématique, section 6. Le professeur est un instructeur). L’État n’est qu’un lieu de pouvoir ; ce sont donc, à la rigueur, les fonctionnaires dont il faudrait restaurer l’autorité, au sens que j’ai développé ci-dessus…

Lorsque l’autorité n’est pas en mesure d’être reconnue naturellement (par exemple par manque de savoir en ce qui concerne les professeurs – ce qui n’est pas la même chose que le manque de formation…), il n’y a plus que le pouvoir pour imposer et contraindre. L’autorité, comme je le disais ci-dessus, relève de la légitimité, quand le pouvoir ne s’appuie que sur la légalité. C’est pourquoi celui qui a affaire à des élèves, devrait avoir la préoccupation d’être un magister (qui a donné « maître », « maîtrise ») plutôt qu’un dominus (qui a donné « dominant »).

Dès lors, un instituteur, un maître ou un professeur ne peuvent qu’être… magistraux. Derrière le « cours magistral », il y avait la grandeur (du latin magnus, qui a donné « magnitude »), anciennement matérialisée par la surélévation de la chaire. Depuis la fin des années 1960, on a beaucoup critiqué le cours magistral, avec des métaphores assez peu pertinentes. Selon certain didacticien peu brillant que je ne nommerai pas, le mode opératoire de la transmission du savoir qui prévalait avant la promotion des « méthodes actives » pourrait être comparé au fait de déverser du savoir dans la tête de l’élève via un entonnoir. Or cette métaphore ne tient absolument pas compte du fait qu’un entonnoir n’oppose aucune résistance à l’écoulement d’un liquide en son intérieur, contrairement à l’élève, qui doit assimiler des notions qui lui sont de prime abord partiellement étrangères.

Enseigner (du latin insignere), c’est « baliser de significations » ; instruire (du latin instruere), c’est « outiller, donner la possibilité d’un usage réel » (René Guitart, La pulsation mathématique, section 66. Il n’y a pas de savoir-faire savants). Selon une opinion assez répandue, l’éducation serait « de gauche » où l’on enseigne, quand l’instruction, où l’on instruit, serait « de droite ». L’inconvénient, c’est que la réalité historique montre l’exact contraire, puisque Michel Delord reprend ce propos de Benito Mussolini : « la transformation du ministère de l’instruction publique en éducation nationale est la plus fasciste de mes réformes ». Du moins, si on l’on admet que le fascisme est « de droite »…

Mais en réalité, il faudrait renvoyer dos à dos les partisans de l’éducation seule et les partisans de l’instruction seule, car en fait les deux sont nécessaires, comme le montre ce schéma extrait du livre René Guitart cité supra (93. Transposition, page 290) (P, M, E désignent respectivement professeur, mathématicien et élève) :

Dès lors, j’ai du mal à me satisfaire de l’assertion-ci : « le professeur instruit » comme antidote à cette assertion-là : « le professeur éduque ». Il conviendrait de promouvoir un autre verbe qui ne soit pas politiquement connoté, et décrive mieux ce qui passe entre le professeur et l’élève. Plutôt donc qu’une métaphore à base d’entonnoir, je propose de convoquer une métaphore à base de… percolateur : le mathématicien hongrois Paul Erdös n’a-t-il dit un jour : « un mathématicien est une machine à transformer du café en théorèmes » ? Or, pour faire du café, il faut moudre du café en grain, le déposer dans un filtre, faire chauffer de l’eau, et la verser sur le café moulu. Au bout d’un moment, que l’on ne peut pas déterminer à l’avance, il y a percolation : le café coule. Ce mot de « percolation » est celui qui est utilisé par Michel Serres dans un paragraphe de son livre Les origines de la géométrie (Flammarion, 1993) dont les deniers mots sont les suivants : « Une multitude de relations peuvent ou non attacher entre eux un grand nombre d’objets ou d’états de choses : voilà le temps percolant, c’est-à-dire le vrai, qui peut nous aider à comprendre l’histoire. Et pour quelle raison, simpliste ou terrible, réduire une telle complexité à un couloir ou une ligne continue reliant uniment un point à un autre, à la queue leu leu ? Qui en serre le guichet d’étranglement ? » (pages 40-41).

Le français dispose alors du verbe : « instiller », qui signifie : « verser à goutte à goutte ». C’est très exactement ce que l’on fait quand on verse de l’eau sur le café moulu reposant dans un filtre. Métaphoriquement, l’interaction que le professeur a avec l’élève revient, pour le premier, à donner du grain à moudre au second, et à verser ensuite goutte à goutte de l’eau, mais aucun des deux ne peut savoir quand aura lieu la percolation, c’est-à-dire quand aura lieu la compréhension du second, ce que Michel Delord résume ainsi : « Globalement, il me semble qu’il faut donner à l’élève tout ce qui lui permet de comprendre, et sans estimer a priori que l’on va maîtriser la manière dont il comprend, et sans penser être capable de l’évaluer à court terme sur sa compréhension (on peut évaluer des savoir-faire, mais au-delà ?) » (Michel Delord, Survol : sciences de l’éducation, 5 avril 2000). C’est bien pourquoi l’école doit un lieu de loisir, où l’on a du temps : « Nous devons travailler dans l’universel et dans la lenteur », expliquent Fanny Capel et Emmeline Renard, membres du collectif Sauver les lettres, dans un article intitulé : Quels sont les obstacles à l’enseignement des lettres au lycée ? (6 mai 2000).

Je propose donc : un professeur instille ; ce qui, moyennant un légère déformation sonore, peut également s’entendre ainsi : un professeur, un style. Et c’est pourquoi il faut combattre toute conception du « plus beau métier du monde » qui serait autre que celle d’un… artisanat, en lieu et place de l’industrialisation des contenus produite par la didactique et la pédagogie depuis au moins 50 ans. Faute de quoi, ce sont des robots que l’institution produira. L’application servile par une majorité du corps « enseignant » de protocoles « sanitaires » (sic) aussi idiots qu’inefficaces l’a déjà amplement démontré. D’ailleurs, Michel Delord notait déjà il y a plus de vingt ans dans son texte NTIC à l’école : un pas de plus dans l’enseignement taylorisé d’une pensée taylorisée ? :

«  On ne pourra jamais remplacer un enseignant par un ordinateur ?

(…)

Ceci dit, revenons à la question initiale : l’acceptation par le corps enseignant des différentes réformes depuis une trentaine d’années rend tout à fait possible leur remplacement par des robots. » (c’est moi qui souligne).

C’était entre 1999 et 2001, et ces propos-là se révèlent visionnaires quand on voit émerger sur le forum les-mathematiques.net la question « Tous les profs au chômage avec ChatGPT ? ». À cette question, et à la lumière des analyses lexicales précédentes, je réponds : les « profs », certainement ; les professeurs, tels que René Chiche ainsi que tous ceux que je cite dans cet article, qui savent cultiver et faire valoir leur autorité, certainement pas. Qu’ils reçoivent donc ici mon soutien, car ils nous apprennent qu’après le naufrage intégral de l’esprit critique dans l’Éducation nationale (la plupart des « syndicats » financés par la Confédération européenne des syndicats n’ont-ils pas pleurniché pour réclamer des masques FFP2 pour tous, alors qu’il aurait fallu tenir bon sur le droit naturel à respirer sans entrave pour tous ?), il reste encore des survivants.

Dans le prolongement des réflexions que j’ai entamées ci-dessus sur le terme d’autorité, il n’est pas possible de ne pas évoquer aussi celui de hiérarchie, mot qui a en commun avec les hiéroglyphes le préfixe d’origine grecque hiéro– , qui signifie : sacré. L’ouvrage de Jean-François Champollion, qui a déchiffré les hiéroglyphes égyptiens s’intitule : Grammaire égyptienne ou Principes généraux de l’écriture sacrée égyptienne appliquée à la représentation de la langue parlée (1836) – c’est moi qui souligne. C’est pourquoi, près du sommet de la hiérarchie (qui signifie littéralement : commandement par le sacré) égyptienne, on trouvait… les scribes, c’est-à-dire ceux qui étaient capables d’écrire, et donc d’être auteurs.

Or, dans un pays touché par La fin du Sacré (Sylvain Durain, éditions La nouvelle libraire, 2022) et par un net recul du temps consacré à l’enseignement de la grammaire, on se demande comment il pourrait bien y avoir des hiérarchies à respecter ; il y a seulement des pouvoirs qui exigent que l’on s’y soumette. Par ricochet, il n’y a plus de démocratie méritocratique en France, et encore moins, malheureusement, d’aristocratie (gouvernement par les meilleurs, à distinguer de la ploutocratie : gouvernement par les riches…). Il y a une reptature : un régime dans lequel la promotion sociale est obtenue en faisant montre d’aptitudes avérées à la reptation, qui désigne l’action consistant à… ramper, du verbe latin reptare, dont on a tiré le nom d’une classe de vertébrés tétrapodes : les reptiles. La classe des reptiles est elle-même divisée en quatre ordres. Celui des squamates contient notamment l’espèce du serpent, qui est l’une des modalités de la manifestation de… Satan. La boucle est bouclée…

Travail à faire à la maison : face à La désinstruction nationale (éditions Ovadia, 2020) de René Chiche, quelles sont, selon vous, lecteur (pas d’écriture inclusive entre nous, s’il vous plaît…) de cet article, les œuvres de Monsieur le ministre de l’Éducation nationale qui nous permettraient d’affirmer qu’il est légitime pour parler d’autre chose que de La condition noire ? Par exemple de philosophie et de mathématiques, car… « Aux termes de celle-ci [à savoir « la conception grecque de la rationalité »], les sciences premières en qualité sont celles dont les principes sont les plus abstraits, celles qui procèdent au plus haut degré de l’universel : philosophie et mathématiques » (Frédéric Patras, La pensée mathématique contemporaine, PUF, 2000, page 14).

Pour terminer, j’aimerais que mon lecteur (pas d’écriture inclusive entre nous, s’il vous plaît…) ne me dénonçât pas à la Licra ou au Cran, au motif que la question que j’ai posée ci-dessus témoignerait d’un racisme supposé. Ce serait trop facile. En effet, dernièrement, j’ai eu l’occasion de ressentir une réelle admiration pour la « négritude », en regardant l’entretien de Salomé Saqué avec l’humoriste Edgar-Yves, réalisé par Blast le 30 mai 2023. Je recommande tout particulièrement l’extrait qui commence ici : on y découvrira une sagesse populaire dont nos nombreux Intellectuels-Mais-Idiots en costume-cravate (ou pas…) devraient s’inspirer… : « avoir un semblant d’existence, c’est pire que la mort (…) il y a des gens qui passent toute vie sans faire ce [dont] ils ont envie (…) être libre, ça a un vrai prix (…) alors que ça devrait être normal (…) c’est dans l’adversité qu’on découvre qui on est (…) assumez votre liberté ». (Edgar-Yves).

Dr Jean-Yves Degos

Docteur en mathématiques pures de l’Université Bordeaux I (2000),

Double lauréat de l’agrégation externe de mathématiques (1995 et 2009),

Ancien professeur agrégé stagiaire de mathématiques, licencié via un crime de bureau (2002), puis démissionnaire (2011),

Expert en orthographe (depuis 2014).

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