Contrairement à une apparence trompeuse, je n’ai pas oublié une espace (oui, en typographie, on dit : une espace) entre « LA » et « GUERRE », car le titre de cet article n’est pas Faites la guerre, pas l’amour , mais : Faites Laguerre, pas l’amour. Il s’agit bien sûr d’un jeu de mots sur une des expressions favorites de nos chers (financièrement parlant) soixante-huitards : « Faites l’amour, pas la guerre ». Et leur slogan a tellement été mis en pratique qu’aujourd’hui, dans l’Éducation nationale « pilotée » par M. Pap Ndiaye, on va pouvoir apprendre l’« amour » (ou plutôt la pornographie…) plutôt que Laguerre. Nous y reviendrons plus loin.
En effet, pendant que certains de nos quartiers s’embrasent, notre cher (financièrement parlant…) ministre de la Désinstruction nationale (comme dirait René Chiche) s’investit corps et âme dans la tâche consistant à légiférer sur les « bonnes pratiques » pédagogiques permettant d’assurer convenablement la transmission de l’art ancestral de la « turlute royale » (© Laurent Gerra, à 3’00).
Mon père, Jean-Guy Degos, aimait à nous citer à table la phrase suivante : « La pipe du pape Pie pue ». Bel exemple d’allitération en « p ». Ici, on imagine que la « pipe » désigne l’objet représenté sur le célèbre tableau de René Magritte, Ceci n’est pas une pipe. Si mon père revenait parmi nous, connaissant son aptitude aux jeux de mots à la manière de Robert Desnos dans son poème Rrose Sélavy, tiré du recueil Corps et biens, je suis sûr qu’il commenterait le « plan de formation » à l’éducation à la sexualité à l’attention des personnels de l’Éducation (?) nationale de M. Pap Ndiaye par ce mot d’esprit : « Le petit Pap put la pipe ».
C’est-à-dire que, bien qu’un jour, le regretté Pascal Sevran eût l’occasion de s’émouvoir en déclarant : « on passe beaucoup trop de temps à l’école pour ne rien y foutre », aujourd’hui, grâce à l’intercession de M. Pap Ndiaye, à l’école, non seulement on saura quoi « foutre », mais on saura aussi comment : Merci Pap ! C’est vrai… Au fond, la pipe, qu’on la fume ou qu’on la taille, n’est-ce pas toujours une question… de maîtrise de la langue ?
Juan Asensio, critique littéraire peu apprécié par le microcosme germanopratin, déclara dans une intervention sur Twitter : « Je crois que Pap Ndiaye, que l’on nous présenté comme « un intellectuel », est avant tout et peut-être seulement rien d’autre qu’un imbécile patenté ».
Et là, mon père, qui a beaucoup œuvré pour que la branche Droit et Sciences économiques de l’ancienne Université Bordeaux I, prît le nom d’Université Montesquieu Bordeaux IV, aurait peut-être commenté les propos de Juan Asensio en disant que si Charles de Secondat revenait parmi nous, il n’écrirait pas, dans sa Lettre XXIX des Lettres persanes, « Le Pape est le chef des chrétiens », mais plutôt : « Le Pap est le chef des crétins ». Le crétin étant le « crétin institutionnel », tel que stipendié par Jean-Paul Brighelli dans son livre La fabrique du crétin. La mort programmée de l’École (Jean-Claude Gawsewitch, 2005).
En effet, au moment où M. Pap Ndiaye communiquait sur son plan de formation des personnels à l’éducation à la sexualité, je reçus un courrier électronique d’une amie qui me parlait des résultats des examens de Licence 2 de mathématiques de sa fille, de la manière suivante : « comment un étudiant qui n’a assimilé « aucun concept mathématique » peut-il avoir validé une L1 à près de 14 de moyenne générale (et une L2 à 10, mais enfin c’est passé) ? Bonjour le niveau des profs de maths… »
Cela appelle deux remarques.
La première remarque, c’est que je pense que lorsque mon amie, elle-même institutrice (car bien qu’elle se revendique « professeur des écoles » à la lettre, je pense qu’elle est institutrice dans l’esprit : je renvoie sur ce point à mon article De l’urgence qu’il y a « porter la parole » du 18 juin 2023) d’un âge commensurable au mien écrit : « Bonjour le niveau des profs de maths », je crois qu’elle ne parle pas forcément du niveau des professeurs actuels, mais du niveau des futurs professeurs. Car, quel genre de professeurs recrutera-t-on lorsqu’on les puisera dans un vivier d’étudiants qui ont aussi mal acquis les fondamentaux dans le premier cycle des études supérieures, et auxquels on a fait croire, depuis l’école primaire, qu’ils étaient brillants au moyen d’une sur-notation ?
La deuxième remarque, c’est que la révélation qu’« aucun concept mathématique » n’est réellement maîtrisé par sa fille, après une issue favorable à ses examens de Licence 2 lui a été faite par un professeur agrégé ayant vingt ans d’expérience des « khôlles » en classes préparatoires scientifiques.
D’où le titre du présent article, Faites Laguerre, pas l’amour, Laguerre renvoyant à l’inventeur des polynômes du même nom.
En effet, comme l’a écrit George Polya dans son livre Comment poser et résoudre un problème (Paris, Dunod, 1965) :
« Règles de l’enseignement. La première de ces règles, c’est bien connaître ce qu’on est censé enseigner ; la seconde, c’est en connaître davantage. Il faut commencer par le commencement. Nous ne pensons pas qu’il soit totalement inutile de proposer aux professeurs des règles de conduite, sinon nous n’aurions pas écrit cet ouvrage sur le comportement respectif du professeur et des élèves. Pourtant, n’oublions pas qu’un professeur de mathématiques doit connaître ce qu’il enseigne et que, s’il désire inculquer à ses élèves la tournure d’esprit qui convient pour aborder les problèmes, il doit d’abord avoir lui-même acquis cette attitude » (section : Petit dictionnaire d’heuristique, page 199 ; c’est moi qui souligne).
Et Liping Ma d’ajouter, dans son livre Knowning and Teaching Elementary Mathematics (Lawrence Erlbaum Associates, 1999) à propos de l’enseignement la division des fractions à l’école primaire :
« Les connaissances pédagogiques peuvent-elles compenser l’ignorance du concept ? Le fait que les enseignants ne comprennent pas la signification de la division par des fractions a déterminé leur incapacité à générer une représentation appropriée. Même leurs connaissances pédagogiques n’ont pas pu compenser leur ignorance du concept. (…) L’utilisation par Mme Francine de biscuits Graham à quatre sections était également pédagogique pour représenter les quarts. Cependant, cela n’a pas permis de remédier à son incompréhension de la signification de la division par des fractions. Pour générer une représentation, il faut d’abord savoir ce que l’on veut représenter. (…) Au cours des entretiens, les enseignants ont fait part de diverses idées pédagogiques pour générer des représentations. Malheureusement, en raison de leur connaissance insuffisante de la matière, aucune de ces idées n’a réussi à les conduire à une représentation correcte. » (Chapitre 3, Générer des représentations : division par des fractions, pp. 70-71 ; c’est moi qui souligne).