Dans cet article, je voudrais dispenser une petite leçon de déclassement à l’attention d’éventuels « castors » (voir plus bas) qui se promèneraient par hasard sur ce site…
Pour cela, je vais suivre le conseil du Capitaine Alexandre Juving-Brunet dans l’une de ses récentes interventions sur YouTube : je vais calculer l’évolution de mon salaire en nombre de baguettes de pain.
Il y a 24 ans, début mai 1999, en tant que doctorant en mathématiques au Laboratoire de Mathématiques Pures de Bordeaux, je venais de toucher ma bourse du ministère de l’Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie (MÉNRT), d’un moment de 6123,50 F. Cette année-là, selon le site France Inflation, le prix d’une baguette de 250 g était de 4,13 F. J’aurais donc été, théoriquement, en capacité de m’offrir 1482 baguettes, puisque 6123,50 F / (4,13 F/baguette) = 1482,688 baguettes, par excès à 0,001 près.
En ce début mai 2023, je viens de toucher un salaire de fonctionnaire de catégorie A qui, après prélèvement à la source, est de 2528,61 €. Le prix d’une baguette, relevé à ma boulangerie habituelle, est de 1,20 €. Je serais donc en capacité d’acheter 2107 baguettes, puisque 2528,61 € / (1,20 €/baguette) = 2107,175 baguettes, quotient exact à 0,001 près.
Par conséquent, étant passé du grade de vacataire à celui de fonctionnaire de catégorie A, 24 ans après mes années d’étudiant, avec notamment en poche :
- un doctorat de Mathématiques pures (9 octobre 2000) ;
- un master Codes, Cryptologie et Sécurité informatique (2004) ;
- trois années comme professeur agrégé stagiaire de mathématiques en lycées (2000-2002 et 2009-2010) ;
- une deuxième agrégation externe de mathématiques (juin 2009 ; la première datait de juin 1995) ;
- cinq excellentes performances au Certificat Voltaire (2014, 2017, 2018, 2020, 2021) ;
- un prix Ensai-SFdS (8 juin 2021) ;
- un master Évaluation et Décision Publiques, filière Statistique et Traitement de Données (fin septembre 2021) ;
le nombre de baguettes que je peux m’offrir avec mon salaire a augmenté de 41,1 % (par défaut à 0,1 près), puisque c’est le résultat de l’opération :
(2107 baguettes – 1482 baguettes) / (1482 baguettes) = 0,41173, par excès à 0,00001 près.
Puisque l’Euro scriptural (les écritures comptables…) était apparu le 1er janvier 1999, ma bourse de 6123,50 F équivalait à 933,52 € (taux de conversion : 1 € = 6,55957 F).
Mon salaire, en 24 ans, aurait donc augmenté de plus de 170,8 % entre mai 1999 et 2023, puisqu’on a :
(2528,61 € – 933,52 €) / 933,52 € = 1,70868, par défaut à 0,00001 près !!!
Comment diable est-il possible qu’avec un salaire presque multiplié par 3, on puisse se payer à peine plus d’un 1/3 de baguettes en plus ? Il faut se rendre à l’évidence : 1 € de 2023 ne vaut plus 6,55957 F de 1999 ! Par conséquent, non, mon salaire n’a pas augmenté de 170,8 % ! Pour calculer sa véritable évolution, il faut partir du réel constaté : une baguette, c’est une baguette ! Donc mon salaire a augmenté de :
(2107 baguettes – 1482 baguettes) / (1482 baguettes) ,
Quant à mon salaire d’aujourd’hui, il est en fait égal à 2528,61 € x t F/€, où t est un nombre de francs par euros par lequel il faudrait le multiplier pour obtenir sa valeur en francs de 1999. Le taux t doit satisfaire l’équation :
(2528,61 € x t F/€ – 6123,50 F) / (6123,50 F) = (2107 baguettes – 1482 baguettes) / (1482 baguettes) ,
qui exprime l’idée que l’évolution du salaire doit être la même, que ce salaire soit calculé en francs ou en nombre de baguettes ; plus précisément :
(2528,61 € x t F/€ – 6123,50 F) / (6123,50 F) = (2528,61 € / 1,20 €/baguette – 6123,50 F / 4,13 F/baguette ) / (6123,50 F / 4,13 F/baguette ).
Il s’agit là d’une brave équation du premier degré à une inconnue en t qu’un collégien de quatrième devrait savoir résoudre. Tous calculs faits, on trouve :
t = 3,44166 F/€ , par défaut à 0,00001 près.
Tout se passe donc comme si, en 24 ans :
- l’Euro avait perdu près de la moitié de sa valeur (car 6,55957 / 3,44166 > 1,9) ;
- j’étais passé d’une bourse d’un montant mensuel de bourse 6123,50 F à un salaire mensuel de 8702,62 F, par excès à 0,01 près.
Remarquons qu’en décembre 2001, avant l’arrivée de l’Euro dans nos porte-monnaie sous forme fiduciaire (les billets…) et divisionnaire (les pièces…), mon salaire de professeur agrégé stagiaire de mathématiques s’élevait à… 12435,22 F. Sans déduction des impôts, il est vrai. Mais en en retirant jusqu’à 14 %, il serait resté : 10694,29 F.
Pour en revenir au titre de cet article, autant Jésus Christ avait transformé l’eau en vin lors des Noces de Cana (Jean 2, 1-11), autant le « Grand Timonier de Jarnac » (mot d’esprit dû à Laurent Gerra) semble avoir transformé le pain en vain[e] [monnaie] lors des Noces de… Maastricht.
Quant aux « castors », ce sont, entre autres, une partie de ces bourgeois « CPIS » (« catégories et professions intellectuelles supérieures », selon la classification d’Emmanuel Todd dans son ouvrage La lutte des classes en France au XXIe siècle, Seuil, 2020, pages 351 et suivantes), qui ont peur d’une dépréciation de 15 % de l’Euro redevenu Franc (alors que c’est déjà une monnaie nationale, parce qu’émise par la Banque de France et non par la Banque centrale européenne, mais passons…), alors qu’ils ont été incapables de remarquer qu’il s’est déjà effondré de près de 50 %… Que dire ?
Complément et commentaires : la valeur de t trouvée ci-dessus, n’est autre, en fait, que celle du rapport 4,13 F / 1,20 €, comme le lecteur pourra le constater, mais il m’a semblé plus pédagogique de faire un raisonnement cohérent, plutôt que de plaquer l’égalité 1 € (2023) = 3, 44166 F (1999). Le problème, c’est que la baguette qui est vendue dans ma boulangerie au prix de 1,20 € n’est pas une baguette de 250 g, comme dans la série statistique trouvée sur le site France Inflation, mais c’est une baguette de 200 g seulement.
Il faut alors reprendre les calculs en remplaçant toutes les occurrences du prix 1,20 € par un prix de 1,50 € (en première approximation seulement, car il n’est pas évident que le coût de fabrication d’une baguette soit proportionnel à son poids – tout comme le coût de production d’un livre n’est pas proportionnel au nombre d’exemplaires produits – et ce qui permet alors aux boulangeries de vous proposer des offres du type « 3 baguettes achetées, la 4e offerte » sans perte de chiffre de bénéfice, et en déstockant plus facilement…).
Dans ce cas, on obtient 4,13 F / 1,50 € = 2,75333 F / € (à 0,00001 près par défaut) pour le taux de conversion de l’Euro de 2023 en Franc de 1999.
Les « castors » auront peut-être alors envie d’objecter que j’ai calculé mon salaire en baguettes de pain, alors que j’aurais pu le calculer en unités d’un produit dont le prix unitaire aurait baissé hors appréciation ou dépréciation monétaire. Mais le pain reste la base de l’alimentation ; c’est pourquoi les prix du blé étaient très réglementés avant la Révolution « française » de 1789, comme on pourra l’apprendre dans cette conférence de l’historienne Marion Sigaut : La Révolution sans le Roi, ou le capitalisme à marche forcée.
La fonction civique du « castor », c’est de faire sorte que dans un affrontement électoral de deuxième tour entre un candidat de « l’estrème drouate » et le candidat du parti unique germano-américanolâtre de la « bourgeoisie comprador » anti-France, ce soit toujours le second qui l’emporte… À tous les coups ça marche !